Puisque la flamme devait être éternelle, un an après je me souviens. Comment oublier ces formidables semaines.
Il y a un an le Palais de Tokyo confiait à Thomas Hirshhorn un espace de 2000 m² pour une performance culturelle colossale. Durant 52 jours, 200 philosophes, écrivains, poètes se succédaient pour partager leur travail, leur pensée. Durant 52 jours, l’espace allait être offert au public qui allait se l’approprier, en faire un endroit de liberté créative. Six jours sur sept, de midi à minuit. On y trouvait une bibliothèque, une vidéothèque, des postes internet, un workshop, un bar, ainsi qu’une publication gratuite produite chaque jour sur place. Tout cela à disposition du public qui venait, revenait autant qu’il le souhaitait sans passer par la case « Caisse ». Gratuité oblige.
Je me souviens des gigantesques montagnes de pneus qui nous surprenaient dès l’arrivée, et cloisonnaient les espaces.
Je me souviens du brouhaha, des paroles mélangées qui résonnaient, nous appelaient à trouver l’agora ou le petit recoin d’où venaient ces voix. Des débats intimes ou plus vastes, des lectures.
Je me souviens du jour du vernissage, des énormes blocs de polystyrène encore entiers, des hommes, des femmes, des jeunes, des moins jeunes, qui s’attelaient, telles des créatures soudain déchainées, à sculpter, dessiner, couper… armés de bombes de peinture, de scies, des marteaux, de tournevis, de colle, de rubans adhésifs. Je me régalais à prendre des photos. Je revois cette femme en tailleur bleu, armée d’une scie, je la revois s’acharner à trancher dans le matériau blanc, en disant : « Ah, ça fait du bien, ça fait du bien ! » Oh oui, ça faisait du bien de voir ces scènes de déverrouillage des convenances, ces actes de créations fugitives.
Etre dans l’oeuvre, la modeler de l’intérieur, ouvrir ses yeux et ses oreilles, je me souviens de l’enthousiasme qui me prenait dès que je pénétrais dans les lieux à la recherche des changements.
Les pneus furent vite recouverts par les impressions que chacun sortait sur les imprimantes reliées aux ordinateurs. Participer d’une manière ou d’une autre. Certains s’activaient, d’autres écoutaient ou débattaient, d’autres encore dormaient sur les canapés ou encore lisaient. Je voulais tout emporter dans ma boîte à lumière.
Et puis, j’ai eu un petit moment de grâce, un jour j’imprimais une photo que j’avais prise le premier jour, j’en ai scotché plusieurs exemplaires sur une colonne de pneus. Quelques jours plus tard, j’ai eu la surprise de voir ma photo en première et dernière pages du journal Flamme Eternelle. Un moment qui restera un précieux souvenir.
Je me souviens des derniers jours, puisqu’il faut que ça finisse. C’était devenu un joyeux chaos.
10 juin 2015 at 17 h 48 min
Ce reportage enfiévré me fait regretter de l’avoir raté. Vous savez transmettre votre passion !
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10 juin 2015 at 18 h 18 min
Oh oui, c’était bien ! J’en ai beaucoup parlé autour de moi à cette époque, dommage que je n’avais pas encore ce blog. Vous ne l’auriez pas raté :-)
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10 juin 2015 at 18 h 22 min
Exactement !
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11 juin 2015 at 8 h 24 min
Exactement, on ne l’aurait pas raté. Pfffffft, c’est malin ;-)
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25 mars 2016 at 17 h 59 min
La démarche artistique de Thomas Hirschhorn est fascinante. Un art conceptuel et social car compréhensible pour tous!
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25 mars 2016 at 18 h 00 min
Et très convivial.
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18 mai 2016 at 9 h 20 min
Merci de me faire découvrir cet extraordinaire « Tokyo debout »!!! Et comme vous avez dû vous y nourrir tous.
La nuit des musées devrait ressembler davantage à cela, une occupation, une appropriation, un élan.
A propos de la dernière photo, celui qui a écrit développe des choses justes mais je veux croire que parfois, « dans ce monde, on a un peu/beaucoup/passionnément pour rien ».
C’est ce que je ressens en suivant le vol des oiseaux dans le bocal, un don qui ne demande rien en retour.
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18 mai 2016 at 17 h 14 min
Qui ne demande rien en effet, mais qui reçoit beaucoup pourtant, votre regard, vos mots… merci.
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