estamp1Vous voyez ces vagues, ce poisson, la tortue… ? Voilà, c’est ça. Ça remplit les yeux de couleurs et de formes, de mouvements et de rêves. Et parfois, même, c’est très drôle et au-delà voire satirique.

C’est un peu tout ça Kuniyoshi et les amateurs d’estampes japonaises du XIXème siècle (souvent des artistes, comme Claude Monet) ne s’y étaient pas trompés. Ils collectionnaient autant les oeuvres d’Hokusai, Hiroshige que celles de Kuniyoshi.

L’artiste a abordé beaucoup de genres différents. Le Petit Palais nous propose dans cette exposition quelques 250 estampes et peintures de Kuniyoshi qui en aurait produit plus de 10 000.

PPK1015_497Parcourir les oeuvres de cette exposition, c’est vraiment un plaisir qui se renouvelle de salle en salle, tant ce qui s’offre devant nos yeux est varié et attrayant. On pourrait y passer des heures à détailler les dessins, se laisser toucher par les légendes, observer les guerriers aux multiples tatouages, regarder les femmes à leur toilette, les enfants jouer, être témoin du quotidien d’Edo, l’ancien nom de Tokyo, ou encore entrer dans le monde des acteurs de kabuki ou celui des courtisanes. C’est un parcours passionnant qui nous mènent dans un monde mystérieux jusqu’à la fin où l’humour et les chats ont la part belle.

Et aussi, puisque c’est le sujet des deux expositions du Petit Palais, ce parcours nous permet de pousser un peu notre curiosité à en apprendre sur les estampes. Par exemple, ci-dessous, il s’agit d’un dessin maitre. Un dessin à l’encre de chine que le graveur collera à l’envers sur la planche puis évidera à l’aide d’une gouge jusqu’à disparition totale du dessin. Si ce dessin préparatoire existe encore c’est qu’il n’a jamais été publié. Il faut savoir que les estampes polychromes sont le fruit d’un travail d’équipe qui associent éditeur, dessinateur, graveur et imprimeur.

PPest1015_508La littérature d’aventure avec ses légions de héros historiques et légendaires, ses dragons et ses monstres, offre maints sujets de représentation qui se substitue à celle des guerriers contemporains qui elle, est interdite.

Ci-contre, une illustrappest1015_513tion du combat de Kintaro (fils d’une sorcière et d’un dragon rouge) avec une carpe. L’enfant possède une force herculéenne et son image porte bonheur.

Alors forcément, les fantômes, les esprits, ça me parle. Et là, je me sens obligée de faire une digression et de parler des yokai. Si le mot n’apparait pas dans l’exposition (à moins d’une distraction de ma part), il n’en reste pas moins que je les reconnais lorsque je les vois. Et qui dit fantastique au Japon ne peut faire l’impasse sur les yokai. Les yokai, j’ai fait leur connaissance par le biais de mon fils, grand amateur de manga pour lesquels je n’ai par contre aucune attirance, si ce n’est qu’un jour en feuilletant un manga une illustration me frappa de plein fouet. « C’est qui celui-là » je demandais à mon  fils. Il me répondit que c’était un yokai, une créature surnaturelle, un démon, un… « fantôme » je lui assurais que je reconnaissais le fantôme qui m’accompagne depuis mon plus jeune âge. MoPPK1015_515n fils m’appris que celui-ci était très dangereux, méchant, cruel. Quel importance ! il est mon ami, je ne risque rien sinon quelques blagues désagréables et une frayeur bleue mémorable de mon chat devant l’invisible.

Mais revenons aux estampes, ci-contre,  « Une araignée de terre fait apparaitre des démons dans le manoir de Minamoto no Yorimitsu ». Trouvez l’araignée, le reste suit. Les combats promettent d’être vifs, ce qui ne dérange pas la partie de go.PPEst1015_531

Et si c’est pas du yokai, là celui au long cou, dans la scène du théâtre kabuki. Lisons la cimaise : « l’acteur Onoe Kikugoro III qui joue le rôle du criminel Suke, se transforme en un monstre au cou démesurément allongé. » Les récits de monstres et de fantômes sont très en vogue dans le théâtre kabuki du XIXème siècle et nécessite le recours aux trucages. Le kabuki est un théâtre de geste accompagnés de musique, on peut y admirer des costumes spectaculaires et des mises en scènes astucieuses. On imagine.

PPest1015_527Celui-ci (ci-dessus), je le trouve très sympa aussi. Une princesse et son frère s’initient à la magie et invoque un gigantesque squelette. Il me rappelle… mais non, je ne vais pas tout vous mélanger.

Pour revenir au théâtre kabuki, il devient le miroir de la vie quotidienne et est plus abordable que le théâtre nô, destiné à l’aristocratie. Les acteurs sont, comme les courtisanes, de véritables vedettes. Ils deviennent des modèles publicitaires, n’hésitant pas à s’interrompre en pleine représentation pour vanter les mérites d’un produit. Le jeu est très codifié, les gestes spectaculaires et les visages expressifs mais figés. Les rôles féminins sont confiés à des acteurs.

PPEsr1015_535
Histoires d’autrefois de Nihon Daemon et du chat-sorcier – 1847

PPEst1015_590

Les chats, les monstres, les caricatures, les gravures de la fin de l’exposition ne manquent pas d’humour. C’est une période de censure (un contrôle de production d’estampes est institué depuis 1790) et Kuniyoshi use de l’art du pastiche et de la caricature avec une ironie mordante et une inventivité débordante. Les acteurs prennent l’apparence de chats, de grenouilles ou d’oiseaux, de poissons rouges, une façon de contourner les interdits. Le shogunat interdit de diffuser des portraits d’acteurs, de geishas et de courtisanes, Kuniyoshi produit alors des oeuvres satiriques et humoristiques pour contourner la censure.

PPEst1015_586

Ci-contre des poèmes illustrés par des chats.

PPEst1015_568
Drôles de monstres prenant le frais à la nuit tombante – 1842

Et pour terminer cet article qui fait l’impasse sur quelques thèmes et de nombreuses illustrations pour ne pas être trop long, voici des estampes qui illustrent des fêtes avec femmes et enfants.PPest1015_539L’exposition sur Kuniyoshi précède une autre exposition sur l’estampe fantastique du XIXème siècle romantique européen, sujet d’un autre article que vous pouvez lire ici. Un autre genre, moins coloré, moins amusant mais tout aussi passionnant à explorer.

Ces expositions sont à voir jusqu’au 17 janvier 2016, au Petit Palais, à Paris.

estamp4