“Quand j’étais enfant, ma mère me disait : “Si tu veux, deviens soldat, tu seras général. Si tu deviens moine, tu finiras pape.” J’ai voulu être peintre, et je suis devenu Picasso !” Picasso – Propos sur l’art.
Mercredi 25 novembre. Sortant d’une exposition qui se tenait sous la nef du Grand Palais, je passais près de l’entrée de Picasso.mania, comme il n’y avait personne, je suis entrée. Quelle bonne idée !
Imaginez des artistes connus, reconnus, aux styles bien reconnaissables et dont les oeuvres exposées dans de multiples salles convergent toutes vers le même centre, le génie Picasso. Ainsi en va-t-il de Roy Lichtenstein à Maurizio Cattelan, d’Andy Warhol à Jeff Koons, David Hockney, Zeng Fanzhi, Jasper Johns, Erro, Adel Abdessemed, etc, de la peinture, de la sculpture, de la photographie, de salle en salle, dans un enchaînement génialement interrompu par des oeuvres du maître ponctuant ici et là le parcours en abondance. Il y a aussi un film de jeunesse d’Emir Kusturica où il est question du tableau Guernica, des vidéos d’interviews de Picasso. De comparaisons en influences, la visite est joyeuse, variée, exaltante.
Je vous laisse découvrir le parcours en ouvrant l’album, n’hésitez pas à agrandir encore les photos en cliquant sur le ziguigui en bas à droite qui permet de mettre en “full size”.
Et comme il est écrit dans l’exposition, « certaines images (mes dernières photos) peuvent heurter la sensibilité de certaines personnes. »
Installation vidéo – interviews de Adel Abdessemed, John Baldessari, Miquel Barcelo, Cecily Brown, George Condo, Franck Gehry, Romuald Hazoumé, Thomas Houseago, Jeff Koons, Bertrand Lavier, Philippe Parreno, Richard Prince, Faith Ringgold, Ed Ruscha, Julian Schnabel, Frank Stella, Sarah Sze, Agnes Varda, Lawrence Weiner
Maurizio Cattelan – untitled (Picasso)
Erro – Hommage à Picasso (Acrylique sur toile – 1982)
Paul McCarthy – Dick Eye
Yan Pei-Ming – Portrait de Picasso (huile sur toile – 2009)
Zeng Fanzhi – Picasso (huile sur toile – 2011)
Oeuvres de Picasso
David Hockney – Kasmin, Los Angeles, 28th march 1982 (polaroïds composites)
Mike Bidlo – Not Picasso (les demoiselles d’Avignon, 1907) (huile sur toile – 1984) et André Raffray – Les demoiselles d’Avignon, de Picasso (crayons de couleur sur toile – 1988)
Robert Colescott – Les demoiselles d’Alabama (dénudées) – (acrylique sur toile – 1985)
Faith Ringgold – L’atelier de Picasso (acrylique sur toile et bordure de tissu – 1991)
Jeff Koons – Antiquity (ULI) (huile sur toile – 2011) – dans ce collage pictural, Jeff Koons décompose ce que Picasso assemblait dans les Demoiselles d’Avignon. Il associe les images d’un Aphrodite romaine, d’une sculpture de Papouasie Nouvelle-Guinée et d’une version de Vénus et Adonis de Titien, le tout recouvrant un Baiser de Pablo Picasso.
Sigmar Polke – sans titre (peinture métallique et acrylique sur toile tendue – 2006)
Adel Abdessemed – Who’s afraid of the big bad wolf ? (animaux naturalisés, acier et fil de fer – 2011-2012) Cette oeuvre monumentale a les mêmes dimensions que Guernica. Mais le drame humain a laissé place à un massacre animal. A la question Qui a peur du grand méchant loup ? la réponse est : personne, les loups taxidermisés n’étant plus en état de nuire. La sauvegerie humaine dépasse celle de l’animal, et ces corps enchevêtrés évoquent des charniers. Je me souviens que cette oeuvre avait été installée lors d’une exposition de l’artiste A. Abdessemed au Centre Pompidou, il n’y avait pas de recul suffisant pour la prendre en photo dans son entièreté, ici, elle est dans une très grande salle, celle où est projeté le film d’Emir Kusturica.
Oeuvres de Picasso
Erro – Picasso melting point (peinture glycérophtalique sur toile – 2014)
Roy Lichtenstein – Still life after Picasso (magna sur plexiglas – 1964)
Andy Warhol – Head (d’après Picasso) (Acrylique sur toile – 1985) – « Picasso disait qu’il pouvait faire un chef-d’oeuvre par jour. Je peux faire cent chef-d’oeuvre en une heure ! (Andy Warhol)
Miquel Barcelo – Popera (technique mixte sur toile – 2015) – Comme Picasso avant lui, Miquel Barcelo a introduit dans sa peinture de longs et puissants tentacules qui la rendent apte à se saisir de la réalité, à la soumettre à une forme de digestion où se dissolvent les frontières entre l’art et la vie.
Pablo Picasso – Le chapeau de paille au feuillage bleu (huile sur toile – 1936)
Ces deux tableaux sont à rapprocher des quatre saisons, de Jasper Johns, qui suivent…
Le cycle des Quatre saisons de Jasper Johns puise son iconographie dans L’ombre, et dans Le minotaure à la carriole. Jasper Johns peint ses Quatre Saisons à un moment charnière de son existence. Il fait de ses tableaux la somme de son oeuvre passé, une méditation sur le passage inexorable du temps (encaustique sur toile – 1985-1986)
Pablo Picasso – Céramiques (1952 à 1961)
Oeuvres de Picasso
Pablo Picasso – Raphaël et la Fornarina (eaux fortes – 1968) – Du 26 mars au 5 octobre 1968, Picasso exécute trois cent quarante-sept estampes qui sont autant de variations autour de ses sujets de prédilection (corrida, cirque, théâtre…). Vingt-trois de ces gravures s’attachent à la relation de Raphaël avec la Fornarina, son amante, son modèle favori. Le graphisme sinueux, le sujet des gravures de Picasso, font de ces oeuvres un nouvel hommage à Jean Auguste Dominique Ingres, redécouvert peu avant le moment cubiste, avec la révélation de son Bain turc. Les estampes de Picasso empruntent leur voyeurisme au Paolo et Francesca de Ingres, leur érotisme à son propre Raphaël et la Fornarina. Elles lèvent le voile sur la relation du peintre avec son modèle et consacre l’érotisme comme stimulant cardinal de toute création artistique.
Vincent Corpet – sans titre – 602 dessins d’après les 602 passions racontées par les 4 historiennes des 120 journées de Sodome, de Sade. Corpet associe le stakhanovisme graphique de PIcasso à celui, sexuel, du Marquis de Sade, auquel il emprunte sa passion mécanique, sa rage froide et méthodique.
Après cette visite, si vous ne l’avez pas encore lu, je vous encourage à vous rendre sur l’article Traits de génie (sur le blog Revue des moments perdus) pour y découvrir quelques surprises et des photos prises au musée Picasso, à Paris. Il vous suffit de cliquer sur la photo ci-dessous.
Yousuf Karsh – Pablo Picasso 1954 (photo prise à Paris-Photo)
Une vraie visite vaut toujours mieux que des photos, voici le site de l’exposition Picasso.mania. Jusqu’au 29 février 2016.
Façade de la voix du Nord à Lille, recouverte d’un collage photo de JR
Pour ceux qui s’intéressent à la photographie, voici un panorama d’images sélectionnées parmi celles qui étaient exposées à Paris-Photo, cette année. Au détour des stands des galeries, j’ai eu l’agréable surprise de voir et revoir bon nombre des photos oniriques de Maleonn, dont j’apprécie le travail depuis plusieurs années, une photo de Gregory Crewdson, dont les compositions toujours très mélancoliques, statiques et emplies de solitude ont quelque chose de fascinant et me font penser à certains tableaux d’Edward Hopper, et une superbe photo de Sarah Moon.
Et puisque c’est le mois de la photo, à signaler en ce moment, la première Biennale des photographes du monde arabe contemporain, qui se tient jusqu’au 17 janvier dans plusieurs lieux à Paris (galeries, mairie du 4ème arrondissement, et plus particulièrement à la Maison Européenne de la Photographie (j’y suis allée et y ai vu de très bonnes et belles choses) et à l’Institut du Monde Arabe) et dont j’espère parler dans un prochain article. De même que l’exposition des premiers albums de Lucien Clergue, au Grand Palais.
Et enfin une très instructive interview de JR pour mieux comprendre le travail et la démarche de cet artiste des rues qui se dit davantage colleur de papier que photographe, sur France Culture.
Ci-dessous vous pouvez ouvrir l’album de Paris-Photo en cliquant sur une des photos. N’hésitez pas à utiliser l’agrandisseur sur certaines pour en voir les compositions.
Sandy Skoglund
Thomas Florschuetz – Enclosure
Sarah Moon – Femme masquée
Ernst Haas
Gilbert Garcin
Tina Berning et Michelangelo di Battista
Lois Conner
Regina Virserius
A + B Blume
Vik Muniz – The Thinkers – cette photo mérite d’être agrandie pour en voir la composition
Lilian Bassman
Trent Davis Bailey
Milja Laurila
Natsumi Hayashi – Today’s levitation – Vietnam
Irvin Penn
Du Zhenju – Tour de Babel – The wind
Nathalie Boutté – Joseph – encre et papier japonais
(appuyez sur ‘play’ ci-dessus pour entendre le son)
J’étais arrivée à l’avance pour être au plus près de la scène. La file d’attente s’allongeait. Lorsque nous sommes entrés dans la grande salle de spectacle du Centre Pompidou, le rythme du tambour s’est emparé de nos peaux.
Le Centre Pompidou s’est paré d’une grande affiche illustrée au titre de Liberté j’écris ton nom.
Je me suis assise au deuxième rang, à seulement quelques mètres de la scène. Le rythme de la percussion s’accélère au fur et à mesure que la salle se remplit.
Soudain une femme se lève au premier rang, elle se déshabille, l’homme derrière moi, laisse ses vêtements sur son siège, ils sont bientôt douze, sept femmes, cinq hommes à s’extraire du public et entrer sur scène. L’une d’entre eux se couche sur un fauteuil, les autres forment un amas de corps pyramidal souple et moelleux au fond de la scène. Les corps sont indissociables les uns des autres.
Les percussions s’arrêtent, silence et immobilité.
La masse charnelle proche de l’animal se déplace comme une sorte d’entité rampante et voluptueuse roulant sur elle-même très lentement et va rejoindre la partie manquante épandue sur le fauteuil. Les obstacles sur son parcours (canapé, table) sont comme absorbés par la forme qui continue sa progression toujours avec la même lenteur, la même extraordinaire souplesse. Extrême ralenti, c’est beau, humide, sensuel. On dirait une vague charnelle, ça n’a plus rien d’humain, ce déplacement dans le silence est juste magnifique.
Pendant une heure trente, les danseurs conduits par la chorégraphe danoise Mette Ingvartsen, vont nous transporter dans un continuum dédié à la sexualité.
Subitement un des danseurs s’agite, son corps est secoué de toute part, violemment, les percussions reprennent, les autres corps vont suivre, se mettre dans un état vibratoire intense. Est-ce moi ou les autres spectateurs sont-ils possédés eux aussi ? Ça bouge, je me sens emportée, j’ai du mal à ne pas me secouer moi aussi, je sens le bas de mon corps vibrer, le tambour, les danseurs, ils m’entraînent, longuement, la scène se prolonge, c’est douloureux, c’est jouissif, et ça ne s’arrête pas, ils sont en transe, entrainant le spectateur dans leur jeu…je jette un oeil à mon voisin… impossible que je sois la seule a ressentir ces effets. Et ça dure, ça dure… on veut que ça s’arrête et que ça continue, se remplir encore de la vision des corps que nous assimilons au notre par quelque pouvoir hypnotique. Ils sont en nous.
Des scènes très fortes, d’autres plus interrogatives se succèdent. Il y aura des moments sans équivoque de plaisir, de jouissance heureuse, de découverte, de domination, d’humiliation, on essaie de s’y retrouver, de donner un sens à ce qu’on voit, et puis on lâche tout et on se laisse simplement emporter.
La scène finale est très puissante aussi. Elle commence sur un canapé, des corps nus de dos ont été placés par des corps rhabillés. Un bruit de gorge se fait entendre, suivi par un autre alors que la percussion reprend, puis toutes les gorges vont exprimer un son en rythme, en décalage, bouches ouvertes, bouches fermés, des cris. De l’animal rampant du début, il ne reste rien, les danseurs sont debout à quelques mètres de nous, ils nous défient du regard, ils s’avancent plus près encore, enjambent les sièges, grimpent parmi le public lui lançant leurs multitude sonore comme une provocation, ou un encouragement, allez savoir ce que vous ressentez face a l’animalité que vous absorbez avec jubilation. Car c’est à la fois insoutenable et délectable.
Noir.
Ils furent puissamment applaudis par un public rayonnant d’enthousiasme, ces corps ruisselant de sueurs, ces visages parfois décomposés par la fatigue de nous avoir tant donné.
Avant de reprendre le métro, nous finissons la soirée dans une crêperie devant la fontaine Stravinski, il fait encore bon ce soir à Paris, les terrasses que nous longeons sont joyeusement sonores. C’est bon la vie.
Ici d’habitude le monde s’écrase, se faufile, se dispute, se rit de la fraternité, ici, le quotidien veut que l’homme ne soit plus qu’un objet mis en boite, ici, c’est à 18h20 le flux et le reflux à la fois, ici, Strasbourg Saint-Denis jusqu’à la gare du Nord, entrer dans la rame est toujours un challenge, un compactage, une déshumanisation, une absurdité. Ici hier le vide ou presque on entre sans se presser on pourrait même s’asseoir il y a de la place suffirait d’y penser, mais ce sont les visages… les visages où les pensées se puisent. Je regarde leurs gestes remaniés au ralenti comme une immensité à conquérir. L’air d’un rien, aux abords de nos corps, le souffle de la vie, un don de vous à moi. Une amplitude, une écriture du temps. En moi, vous êtes, infiniment. Vous êtes ma solitude colorée des rivages de l’autre, le souvenir d’un “je vous aime”, un instantané capturé sur l’extase d’une rencontre. Un murmure, vos gestes, un murmure de l’enchantement suspendu au bord de mes dérives. Je ne bouge pas, que le coeur, que le sang. Je vous bois, je vous goûte, je vous croque à dessein de vous aimer encore. Dans les confins de vous, je nous mélange. Vous êtes ce mouvement, la source de mon souffle… J’ai cueilli des regards, vos visages étaient beaux. J’aurais pu dire sans mot, sans maux aurais-je préféré. La nuit parfois nous illumine.
14h, je fais un nouvel essai. Cette fois, la voie est libre. Libre. Je remonte, je prends ma carte d’identité, mon téléphone, et je pars reprendre possession de ma ville. Besoin de marcher, de sortir, de me sentir là.
Des hommes sortent aussi, mais peu de femmes. Je veux simplement marcher pour desserrer l’en-moi. constater que tout est comme avant. Entendre l’écho de la ville.
On se croirait un dimanche après-midi quand la ville dort.
Au loin, je vois un flot humain descendre vers moi. Des journalistes. Je bifurque et remonte à contre-courant jusqu’à « la rue ». Attroupement, je ne fais en général pas partie des curieux, mais là… étrange sensation d’absence d’agressivité autour de moi, je sors mon vieux téléphone et je… On vit avec un point d’interrogation qui nous regarde autant qu’on essaie d’en faire le tour.
Mon immeuble était un espace de silence. Tout le monde devait être à bord, mais rien ne le laissait supposer. Je suis sortie, personne, j’ai descendu le grand escalier, personne. J’ai regardé dans les rues, un homme en uniforme intimait à un automobiliste de retourner au garage. Il ne m’a pas vue. J’ai fait marche arrière, j’ai regardé autour de moi, c’est là que soudain, le vertige du vide m’a surprise. Alors je suis remontée, l’attente m’a embrassée, ficelée, injecté son sérum de passivité.
Je n’ai rien entendu que des explosions et des tirs et les voix de mes proches qui me téléphonaient et les cliquetis du clavier qui donnaient des nouvelles aux amies. Et le soleil qui brillait. Je me souviens m’être levée ce matin, avoir pris une douche en me disant qu’il faudra peut-être partir et qu’il fallait se tenir prêt, mais ensuite, j’ai un doute, peut-être que rien n’est vrai dans tout cela ? Alors j’ai pris des photos. Toute ressemblance avec des faits ou des personnes ne serait que pure coïncidence…
La sélection de photos présentées dans le cadre de Photoquai 2015 traite de la famille, prise au sens plus large que la famille génétique, il s’agit du “cadre sécurisant pour la production et la plénitude sociale, au niveau de la personne et du groupe. Un espace où donner et recevoir de l’affection, où partager des intérêts créatifs, politiques, religieux ou sexuels, où nouer des liens moraux ou sentimentaux. Un espace idéal au sein duquel l’individu se sent protégé et entouré par le groupe.”
L’exposition Photoquai à deux pas du musée du quai Branly est visible gratuitement jusqu’au 22 novembre 2015. Vous pouvez découvrir quelques unes des photos proposées en feuilletant l’album ci-dessous.
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Vietnam – Maika Elan
Iran
Maroc – Zara Samiry – My taboo child
Japon – Junku Nishimura – Life in Hood
Australie – Raphaela Rosella
Inde
France – Delphine Diallo
Argentine – Cecilia Reynoso
Mexique – Luis Arturo Aguirre – Desvestidas
Côte d’Ivoire – Joana Choumali – Hââbré, la dernière génération
« Je me sens dépositaire d’un précieux fragment de vie, avec toutes les responsabilités que cela implique. Je me sens responsable du sentiment grand et beau que la vie m’inspire et j’ai le devoir d’essayer de le transmettre intact à travers cette époque. » Etty Hillesum (1914-1943) – Une vie bouleversée, journal.
J’avais feuilleté ce livre de Peter Sloterdijk à sa sortie, je comptais bien le lire, mais j’attendais qu’il sorte en format poche. Et puis, ça m’était sorti de la tête. Et là, ce titre, tout de suite ça fait tilt, bien sûr, et le livre est sorti en poche… Tu dois changer ta vie, c’est même devenu une exposition.
Il suffit d’un pas, d’une rencontre… de vous en fait, une action, un mouvement. La vie est changement perpétuel, non ? Je me rappelle cette phrase lue je ne sais plus où « ce qui n’évolue pas, meurt ». Alors vivre. L’exposition part d’un côté ou de l’autre, vous êtes responsable de votre parcours, à moins que vous ne choisissiez de vous fier à la couleur de votre ticket. D’un côté comme de l’autre, de l’autre comme de l’un puisque les deux se croisent à un temps T de l’exposition, on est trimballé dans un univers complet. Complexe ? C’est comme vous voulez, là encore. Amusant aussi. Ravissant, certes. Enivrant, parfois. Laissez-vous aller à réfléchir. Les thèmes ? Explorer le monde, regarder, sentir, écouter, envisager le vivant, vivre plusieurs vies simultanément… Oh, et puis, laissez-vous porter et n’oubliez pas de prendre soin de vous. Rendez-vous est pris pour une Renaissance…
Il y a des informations sous les images, il suffit de cliquer pour ouvrir l’album.
La bibliothèque des métamorphoses – Certains livres changent notre vie. Il nous est demandé quel livre à changé notre vie. Ma vie change un peu chaque fois qu’un livre me touche. Pour moi, les livres sont des amis qui guérissent bien des blessures et donnent des élans incroyables. Mais s’il faut en choisir un, je dirais Une vie bouleversée, d’Etty Hillesum, sans aucune doute.
Franchement, est-il raisonnable de photographier un tableau outrenoir de Pierre Soulages ? Assurément non. Alors ne regardez pas, sachez seulement qu’il s’agit ici d’un petit bout d’émoi que j’ai ramené avec moi.
Les oeuvres de Michel Blazy sont faites de matières organiques qui subissent les effets du temps de l’exposition. L’idéal est d’y aller plusieurs fois pour suivre l’évolution. Ici il s’agit de colorants alimentaires qui vont subir des mutations de couleurs et de textures. Hélas, je ne pourrais pas suivre le processus, cette fois.
La chasse – Julie C. Fortier. Les odeurs, les aromes… ici des milliers de touches de parfumeur que l’on respire parfois très denses parfois plus légères, plus profondes. Si j’ai bien compris. Mais j’ai complètement zappé le sniffage, tant j’ai été séduite par l’aspect nuageux de l’installation.
Background Story : Ten Thousand Li of Mountains and Rivers – Xu Bing – Très inspiré de la peinture traditionnelle chinoise. Mais il s’agit là d’installation sur l’envers (ou l’endroit ?), d’un côté on a les montagnes, les rivières, les forêts, et de l’autre un tas de débris et de végétaux.
Trochés de face – Ghyslain Bertholon – La série des Trochés (ici lion et vache) dénonce l’absurdité des comportements humains face à la nature.
Tri postal – Lille
Rebirth – Anna Citelli et Raoul Bretzel – Et si on devenait terreau pour un arbre à notre mort ? Une capsule avec une graine est mise dans le cercueil biologique où repose le défunt. La mort donnant vie… moi, ça me va.
Je ne sais de qui est cette oeuvre, mais les ado qui y prenaient un bain s’amusaient comme des fous, et il y avait foule à attendre son tour.
Ah, là, si vous cafouillez encore avec l’histoire du chat de Schrödinger, vous n’avez plus d’excuse. C’est drôle et fort bien expliqué.
Where is the cat ? Winshluss aussi.
Entomogrotte stellaire – Julien Salaud – Epoustouflant, est l’enchantement assuré. Effet lumière noire, ça marche à tous les coups. Mais l’installation en dit davantage, une histoire de microcosme et de macrocosme… oui, mais c’est trop beau.
Trois des Super Flamands, de Sacha Goldberger – En fait, la série qui est représentée par 6 photographies, en compte 52. Un détonnant mélange de culture et d’époques..
Frequency following response -Où il est question de son, de flux cérébraux, de modification de l’état physique, mental et psychologique d’un individu…
Au sous-sol, un rideau de garage se lève sur un paysage de bord de mer. C’est assez épatant, on s’y croirait.
Un film sur Ellis Island, de JR.
Le cours des choses – Peter Fischli et David Weiss – C’est toujours fascinant de regarder les enchainements de causes à effets et c’est plutôt très bien réussi ici : torsion, réactions chimiques, pesanteur, écoulement, gonflage, combustion.
Comme vous pouvez l’imaginer cette exposition est très touffue.
Pour son nouvel opus artistique, dans le cadre de Lille 3000, l’agglomération lilloise met sur le devant de la scène cinq villes qui ont connu des périodes difficiles et qui aujourd’hui sont en plein développement : Phnom Penh, Détroit, Rio, Eindhoven et Séoul.
C’est donc de Séoul dont je parlerai aujourd’hui.
Pourquoi « vite, vite » accolé au nom de la ville ? vous demandez-vous. C’est la traduction d’une expression très souvent utilisée en Corée : « Seoul, bbali, bbali ». Séoul, actuellement une des plus grandes et plus denses métropoles du monde, connait un développement très rapide, ce qui ne se fait pas sans poser nombre d’interrogations.
L’exposition est au Tripostal. Un endroit que je me fais toujours un immense plaisir de retrouver tant j’y ai vu de superbes expositions.
Objets en plastique – Choi Jeong Hwa (1961-)
On arrive dans le hall pour prendre les billets d’entrée (petite info si vous comptez visiter plusieurs expositions dans la journée, il y a des pass journée… attention quand même, certaines expositions sont gratuites).
Dans le hall, un mur de perles de couleurs en plastique qu’il faut traverser pour arriver dans la première salle où je me prends un coup de chaud. Dépaysement de soi-même assuré. L’artiste a déménagé sa maison-atelier de Séoul au Tripostal. Ça me fait un peu mal aux yeux tout ça et une fraction de seconde je crains le pire pour la suite.
Le contraste est puissant lorsque je passe le seuil de la salle suivante, plongées dans une douce obscurité apparaissent des petites merveilles robotisées qui dégagent une poésie de lumière, de mouvements, de formes. C’est magnifque !!! Les oeuvres métalliques de Choe U-Ram sont des fleurs qui s’ouvrent, des insectes prêts à s’envoler, c’est totalement fascinant. L’artiste a créé le laboratoire U.R.A.M. (United Research of Anima Machine) où se mêlent l’art et la science.
Nous continuons la visite. D’autres surprises nous attendent. Sans doute éprouvons-nous encore une sensation d’émerveillement lorsque nous arrivons devant une vaste salle recouverte entièrement de miroirs qui renvoient des reflets plus ou moins tordus. Le pied est d’abord hésitant, l’équilibre précaire une fraction de seconde. C’est surprenant et exaltant lorsqu’on découvre l’entrée d’un labyrinthe où il amusant de se perdre dans les couloirs étroits. Et vos reflets partout qui se rient de vous ou qui se perdent eux-mêmes.
Je vous laisse découvrir quelques unes des oeuvres de l’exposition en cliquant sur l’album ci-dessous.
les machines animées
Civitas Soli II Via Negativa II, 2014 -Lee Bul (1964 – Séoul) – Après avoir créé des sculptures de monstres ou de Cyborgs qui interrogeaient la question du corps, les installations monumentales de Lee Bul évoluent vers des paysages à la fois apocalyptiques et futuristes, montages culturels qui semblent venir aussi bien des tableaux romantiques de Caspar David Friedrich que de l’architecture contemporaine ou de la science-fiction. L’installation Civitas Solis II est inspirée d’un texte utopique de la Renaissance, La Cité du Soleil, de Tommaso Campanella (1623). Avec ses murs recouverts de miroirs et son plan urbain découpé posé au sol, on évolue dans ce paysage mutant entre fascination et anxiété.
jeu…
… de miroirs
Les DVD-Bang, nombreux à Séoul et dans les villes de Corée du Sud, sont des petites salles privées de cinéma. On loue le film et on va ensuite le visionner dans une « chambre » (bang en coréen), petit salon privatif où la jeunesse aime échapper au regard des parents et où de jeunes couples s’offrent une intimité qu’ils ne peuvent avoir dans l’appartement familial.
Coréennes (1957) – Chris Marker (1921-2012) – Chris Marker, réalisateur, photographe, écrivain et intellectuel français, a inventé le genre du « documentaire subjectif ». Il fut l’un des derniers journalistes à pouvoir visiter et explorer librement la Corée du Nord, peu de temps avant la fermeture définitive de la frontière entre les deux Corée. Le résultat est une série de 51 photographies dont 10 sont présentées à l’exposition.
Above the Timberline (2011) – Jiyen Lee (1979-) – puzzle visuel de 11 mètres de long qui combine des vues d’ascenseurs partant dans tous les sens.
Cosmetic Girls – 2007-2008 – Hein Kuhn Oh (1963-) – Quelques photos faisant partie d’une série de 138 portraits de jeunes coréennes rencontrées dans des centres commerciaux. En se maquillant, elles deviennent ces filles de rêves, créatures désireuses d’échapper aux normes sociales.
Hero (1998) – Yeondoo Jung (1969-)
Il y a une autre très bonne exposition en ce moment au Tripostal : Tu dois changer ta vie que vous trouverez ici.
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Articles précédents concernant Renaissance à Lille :
« Partout où il y a joie il y a création : plus riche est la création plus profonde est la joie. » Henri Bergson, L’Energie spirituelle
L’exposition Joie de vivre au Palais des Beaux-Arts, de Lille, réunit une centaine d’oeuvres dans les domaines de la peinture, la sculpture, la photographie, le cinéma, qui illustrent de différentes façons la joie de vivre. On y aborde des thèmes variés comme le soleil, le jeu, l’amitié, la famille, la fête, le corps joyeux, la jouissance, la sensualité et les rires. Un parcours réjouissant.
Parmi les artistes représentés on peut citer Fragonard, Niki de Saint-Phalle, Picasso, Renoir, Brueghel, Dufy, Munch, Dubuffet, Véronèse, Murakami…
« La joie de vivre est la capacité à jouir du simple fait d’être au monde, d’apprécier les instants agréables de l’existence. […] La joie de vivre est vécue ici et maintenant. Elle est plus attachée à l’être qu’à l’avoir, à l’être ensemble qu’à la possession ou la consommation de richesses. »
Suivez- moi en passant l’entrée ci-dessous, je vous propose une sélection de quelques unes des oeuvres de l’exposition.
« La joie de vivre n’est pas la béatitude, ni la sagesse, et n’en a que faire. C’est la joie la plus simple, la plus pure, la plus aérienne… Elle ne cherche pas à durer. Elle ne cherche rien, ni ne trouve. Elle est sans pourquoi, sans raison, sans but. » André Compte-Sponville, La joie de vivre, 2015
Sunrise – 1965 – Roy Lichtenstein (1923-1997) – porcelaine émaillée sur feuille d’acier perforée.
Hommes se baignant (1907-1908) – Edvard Munch (1863-1944)
L’eau (1906-1909) – Frantisek Kupka – (1871-1957)
Sans titre (2004) – Edgar Esser (1967-) – C-print sur diasec
La joie de vivre (paysage jaune avec petit sauteur au milieu) (1949) – Jean Dubuffet (1901-1955)
Petite fille sautant à la corde (1950) – Pablo Picasso (1881-1973)
New born, new life, décember 9 2007 – (2007) – Yan Pei-Ming (1960-) – aquarelle sur papier – partie d’une série de portraits de nouveaux-nés qui s’expriment du rire aux larmes
L’amitié (1885) – William Bouguereau (1825-1905)
Les bal des Quat’zarts descendant les Champs-Elysées (1894) – Georges-Antoine Rochegrosse (1859-1938) – Le Bal des Quat-z’Arts (du nom des quatre disciplines enseignées à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, peinture, architecture, sculpture, gravure) était l’un des moments les plus prisés et les plus transgressifs de la vie parisienne, avec notamment un cortège animé de modèles nus, qui sillonnait joyeusement l’ouest de la capitale.
Girl meets girl (2003) – Gérard Rancinan (1953-) – portrait d’un couple vivant à Berlin.
Femme couchée (1932) – Pablo Picasso (1881-1973)
Satyre et bacchante (vers 1833) – James Pradier (1790-1852) – Le satyre est un autoportrait de l’artiste, et la bacchante est figurée sous les traits de sa maitresse.
Dans la grande salle de l’entrée, un écran passe des feel good movies dont j’ai déjà fait allusion dans mon article d’introduction. On circule, on passe, on repasse, en jetant un oeil à l’écran, puis on finit par s’asseoir, et on se laisse emporter par le tourbillon de scènes de joie qui s’enchaînent.