(appuyez sur ‘play’ ci-dessus pour entendre le son)
J’étais arrivée à l’avance pour être au plus près de la scène. La file d’attente s’allongeait. Lorsque nous sommes entrés dans la grande salle de spectacle du Centre Pompidou, le rythme du tambour s’est emparé de nos peaux.
Je me suis assise au deuxième rang, à seulement quelques mètres de la scène. Le rythme de la percussion s’accélère au fur et à mesure que la salle se remplit.
Soudain une femme se lève au premier rang, elle se déshabille, l’homme derrière moi, laisse ses vêtements sur son siège, ils sont bientôt douze, sept femmes, cinq hommes à s’extraire du public et entrer sur scène. L’une d’entre eux se couche sur un fauteuil, les autres forment un amas de corps pyramidal souple et moelleux au fond de la scène. Les corps sont indissociables les uns des autres.
Les percussions s’arrêtent, silence et immobilité.
La masse charnelle proche de l’animal se déplace comme une sorte d’entité rampante et voluptueuse roulant sur elle-même très lentement et va rejoindre la partie manquante épandue sur le fauteuil. Les obstacles sur son parcours (canapé, table) sont comme absorbés par la forme qui continue sa progression toujours avec la même lenteur, la même extraordinaire souplesse. Extrême ralenti, c’est beau, humide, sensuel. On dirait une vague charnelle, ça n’a plus rien d’humain, ce déplacement dans le silence est juste magnifique.
Pendant une heure trente, les danseurs conduits par la chorégraphe danoise Mette Ingvartsen, vont nous transporter dans un continuum dédié à la sexualité.
Subitement un des danseurs s’agite, son corps est secoué de toute part, violemment, les percussions reprennent, les autres corps vont suivre, se mettre dans un état vibratoire intense. Est-ce moi ou les autres spectateurs sont-ils possédés eux aussi ? Ça bouge, je me sens emportée, j’ai du mal à ne pas me secouer moi aussi, je sens le bas de mon corps vibrer, le tambour, les danseurs, ils m’entraînent, longuement, la scène se prolonge, c’est douloureux, c’est jouissif, et ça ne s’arrête pas, ils sont en transe, entrainant le spectateur dans leur jeu…je jette un oeil à mon voisin… impossible que je sois la seule a ressentir ces effets. Et ça dure, ça dure… on veut que ça s’arrête et que ça continue, se remplir encore de la vision des corps que nous assimilons au notre par quelque pouvoir hypnotique. Ils sont en nous.
Des scènes très fortes, d’autres plus interrogatives se succèdent. Il y aura des moments sans équivoque de plaisir, de jouissance heureuse, de découverte, de domination, d’humiliation, on essaie de s’y retrouver, de donner un sens à ce qu’on voit, et puis on lâche tout et on se laisse simplement emporter.
La scène finale est très puissante aussi. Elle commence sur un canapé, des corps nus de dos ont été placés par des corps rhabillés. Un bruit de gorge se fait entendre, suivi par un autre alors que la percussion reprend, puis toutes les gorges vont exprimer un son en rythme, en décalage, bouches ouvertes, bouches fermés, des cris. De l’animal rampant du début, il ne reste rien, les danseurs sont debout à quelques mètres de nous, ils nous défient du regard, ils s’avancent plus près encore, enjambent les sièges, grimpent parmi le public lui lançant leurs multitude sonore comme une provocation, ou un encouragement, allez savoir ce que vous ressentez face a l’animalité que vous absorbez avec jubilation. Car c’est à la fois insoutenable et délectable.
Noir.
Ils furent puissamment applaudis par un public rayonnant d’enthousiasme, ces corps ruisselant de sueurs, ces visages parfois décomposés par la fatigue de nous avoir tant donné.
Avant de reprendre le métro, nous finissons la soirée dans une crêperie devant la fontaine Stravinski, il fait encore bon ce soir à Paris, les terrasses que nous longeons sont joyeusement sonores. C’est bon la vie.
*
Je me suis essayée à faire des aquarelles d’après une photo d’un des spectacles de Mette Ingvartsen – j’ai utilisé différents papiers, dans la première j’utilise de l’aquarelle en tube (avec plus d’eau), dans la seconde de la peinture en godets. Je ne maitrise pas bien les techniques, je tâtonne, je fais des essais. Pour la photo, elle est ici : https://www.centrepompidou.fr/cpv/ressource.action?param.id=FR_R-54b65a7f86a1396e345bf98e24cd280¶m.idSource=FR_E-54b65a7f86a1396e345bf98e24cd280
21 novembre 2015 at 11 h 52 min
Très beaux tâtonnements, ‘vy ! L’expression compte infiniment plus que la technique !
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21 novembre 2015 at 12 h 51 min
Merci, Gilles, c’est vrai l’impression compte davantage que la technique, mais comme je suis très débutante en aquarelle, j’ai besoin de croire que je vais progresser en technique pour mieux laisser aller l’expression.
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21 novembre 2015 at 13 h 07 min
C’est cela, ‘vy, la technique pour soutenir et l’expression et l’impression. Je vous souhaite des aquarelles révélatrices.
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21 novembre 2015 at 13 h 09 min
Merci tout plein, Gilles.
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21 novembre 2015 at 12 h 02 min
Si cette « performance artistique » est aussi envoutante que ta description et ton dessin… C’est plus que tentant.
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21 novembre 2015 at 12 h 53 min
Les deux ou trois gros moments étaient bien plus envoûtants. J’ai enregistré le son du tambour mais n’aie pas su le mettre sur l’article. Sais-tu comment on met du son ?
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21 novembre 2015 at 13 h 00 min
Alors, j’ai essayé. Quelqu’un m’avait dit qu’il fallait télécharger un plug in, un lecteur audio. Ce que j’ai fait, mais sans résultat…
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21 novembre 2015 at 13 h 07 min
Tant pis, alors. Je suis condamnée pour l’instant à l’image statique… et aux gifs, tout de même. Grâce à toi.
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21 novembre 2015 at 12 h 52 min
Une question : Y a-t-il eu des spectateurs qui sont partie en cours de spectacle, ou qui ont manifesté leur mécontentement ? J’imagine que c’est le genre de spectacle qui suscite soit un rejet, soit un unisson. Merci pour cette découverte. Je n’en avais pas du tout entendu parler.
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21 novembre 2015 at 12 h 58 min
J’étais auprès de la scène alors je n’affirmerai rien pour ce qui se passait derrière moi. Mais la salle était encore pleine me semble-t-il lorsque le spectacle s’est terminé, et, entendu les applaudissements et les cris de joie à la fin, je pense que tout le monde était heureux. En même temps, on savait ce qu’on allait voir.
Il faut vous procurer le Code couleur, magazine gratuit du centre Pompidou. On y dit tout.
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21 novembre 2015 at 13 h 12 min
La joie, le bonheur, la vie méritent des tonnerres d’applaudissements. A l’occasion je vais me procurer le Code couleur. Et pardon pour la faute d’orthographe : « des spectateurs qui sont partis » et qui font partie aussi, apparemment…
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21 novembre 2015 at 13 h 22 min
Surtout en ce moment, les interrogations sont toujours présentes, à une semaine de l’horreur nous y pensions certainement tous. La chorégraphe s’est d’ailleurs demandée s’il fallait annuler le spectacle, le maintenir c’est une résistance, un hommage à la liberté, à la vie, cela n’empêche nullement de penser… Je t’écoutais Jérôme, je n’ai pas lu la faute d’orthographe, j’en suis friande moi-même, on ne les voit qu’une fois postées. C’est pas grave.
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21 novembre 2015 at 14 h 24 min
spectacle étrange et captivant que tu as du vivre. Pour poster l’enregistrement des tambours , tu peux essayer en le mettant sur you tube comme une vidéo. Ton aquarelle est sensible et sensuelle, c’est tout bon.
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21 novembre 2015 at 15 h 33 min
Merci, Dominique. On m’a conseillé soundCloud, et ça a l’air de fonctionné.
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21 novembre 2015 at 17 h 18 min
oui, son du tambour hypnotique, rythme d’ancrage à la terre pour effectivement se centrer sur le corps (on vit cela, un peu, en biodanza)
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21 novembre 2015 at 17 h 24 min
biodanza ?
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21 novembre 2015 at 17 h 33 min
j’ai trouvé la définition sur wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Biodanza
ce sont des danses spontanées que nous faisons en groupe sur des musiques choisies en fonction du thème qu’on veut développer pour chaque séance: la fluidité, l’ancrage, la vitalité, l’affectivité . expression totale du corps, la parole est suspendue et on est en interaction gestuelle avec les membres du groupe. ça fait une année que je pratique cette danse et c’est très stimulant pour enfoncer son énergie et se mettre en lien avec l’autre.
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21 novembre 2015 at 17 h 42 min
Je pense que j’adorerais. Ça se rapproche peut-être un peu du Qi danse. Une danse de l’énergie, du souffle, avec ancrage comme tout ce qui concerne le qi, et une fluidité. Je ne pratique pas mais m’y amuse parfois d’après ce que j’en ai vu.
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21 novembre 2015 at 14 h 28 min
Merci ‘vy. Cela donne vraiment envie.
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21 novembre 2015 at 15 h 31 min
J’ai ajouté du son, si tu veux avoir une idée des percussions.
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21 novembre 2015 at 16 h 37 min
Excellent idée que l’ajout du son, bravo.
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21 novembre 2015 at 17 h 02 min
Je donne le bravo à ma fille. Sans elle, j’y serais pas arrivée.
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21 novembre 2015 at 17 h 03 min
Tu la féliciteras donc de notre part !
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21 novembre 2015 at 19 h 10 min
L’intensité ressentie est restituée!
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22 novembre 2015 at 9 h 00 min
Merci.
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21 novembre 2015 at 23 h 54 min
j’aime, j’aime, j’aime!!! et après douze heures de job et une heure de route, qu’est ce que c’est bon de te lire, Evy :-)
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22 novembre 2015 at 9 h 03 min
C’est gentil, merci. Douze heures de boulot, grosse journée.
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22 novembre 2015 at 1 h 25 min
oh, vy, belles tes aquarelles… tu fais bien de « t’essayer »…
et je crois connaître, et reconnaître, ce sentiment de l’à la fois insoutenable et délectable… et tes mots le transmettent à merveille. J’aurais voulu être là, avec toi. Moment intense, n’est-ce pas. De ceux qui osent, on dirait. La vie à fond. Ça fait du bien, par moments plus que par d’autres. Et là, le « timing » était bon il me semble.
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22 novembre 2015 at 9 h 06 min
Je passe mon temps à m’essayer… Je vais peu au spectacle, je suis toujours fourrée dans les musées, j’adore la danse, et j’ai envie d’encore.
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24 novembre 2015 at 23 h 21 min
J’en reste coi. Chapeau pour les aquarelles.
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5 mars 2016 at 9 h 19 min
Whaouh… ;-)
Je vais guetter ce spectacle, je pense que j’adorerais… En tout cas ça interpelle, et j’aime bien être interpelée, placée en inconfort, si ça a du sens, si c’est beau, si c’est puissant. J’aime que ce soit puissant, j’aime être en apnée, les larmes aux yeux et les mains qui tremblent.
Merci pour le partage, à bientôt !
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5 mars 2016 at 10 h 46 min
Tout ça, oui. Merci d’être passée.
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