« Couvrez ce sein que je ne saurais voir » disait le Tartuffe dans la pièce de Molière. Consumés pourrait être sous-titré : « A la recherche du sein perdu »
On y côtoie : un couple de photojournalistes (Nathan et Naomi) un rien infidèles, partageurs d’objectifs photos et de MST, jaloux, amoureux… un autre couple de professeurs (les Arosteguy), amoureux, aimant beaucoup les jeux sexuels avec leurs étudiants… a-t-il mangé sa femme pour la garder en lui ?… un chirurgien qui photographie ses patientes sur la table d’opération pour en exposer les clichés dans son restaurant.. un docteur qui n’a plus que pour unique patiente sa fille atteinte d’un mal… dévorant… on y trouve un éclaircissement sur la dysmorphophobie, une maladie qui rend la présence d’un membre insupportablement étranger allant jusqu’à l’obsession de l’amputation… les villes : Paris, Budapest, Toronto, Tokyo, Pyongyang, un passage à Cannes (festival)… puis la technologie connectée qui sert de trame au roman et enfin, on l’aura compris, le sexe sous quelques formes originales : fétichisme, voyeurisme, échangisme. Et une curieuse intrigue.
Ce qu’en dit Stephen King : « Consumés est une révélation éblouissante. Il n’est pas destiné aux âmes sensibles, mais à ceux qui sauront savourer un voyage au coeur des profondeurs des ténèbres. A lire absolument. Le roman de Cronenberg est tout aussi perturbant, sinistre et captivant que ses films. »
Si j’avais lu ce qu’en dit Stephen King, je ne me serais certainement pas aventurée dans cette aventure. Heureusement, je suis passée à côté. Alors, ou je ne suis pas une âme sensible (tout est possible), ou Stephen King l’est plus que moi… Je m’y suis sentie plutôt bien dans ce roman… Je l’ai dégusté à vrai dire. On dévore finalement non sans tendresse dans cette histoire…
Un extrait :
« Nathan/Aroteguy mangea les seins de Naomi directement sur sa poitrine, les arracha avec les dents, et il jouit alors à nouveau, avec tant de volupté qu’il en fut terrorisé.
Naomi le repoussa.
« C’était quoi, ce bordel ? Tu m’as mordue. (Elle tira sur son sein gauche, à la recherche de traces de morsures.) J’y crois pas, putain.
– Ce n’était pas moi. C’était Arosteguy. (Naomi haussa dédaigneusement les épaules.) Sexe à thème. Je sais que tu penses que cela n’existe pas.
– Ça n’existe pas pour moi. J’ai pas de fantasmes sexuels.
– Le sexe à thème, c’est pas vraiment un fantasme… (Nathan s’empara vite de son D300s pour faire une série de photos posées. Elle était toujours nue, mais il avait enveloppé les draps autour de ses jambes, de sorte que seules ses cuisses étaient visibles.) OK, tu devines maintenant ? demanda Nathan, caché derrière l’appareil photo. Je travaille sur un pitch et tu es un de mes sujets. Sur quoi porte mon article ?
– Hmm. Tu as couvert mes jambes avec un drap.
– Pas seulement couvert.
– Tu les as … cachées.
– Pas seulement cachées.
Nathan dans un cliquetis, prit quelques photos en guise de ponctuation. Les yeux de Naomi s’écarquillèrent.
« Tu les as amputées. »
Mon avis est d’un enthousiasme intime : le roman est plein d’images, les écrans sont partout, mais l’horreur des images ne se développent pas au delà de l’écriture qui est agréable et doucement anesthésiante, ce qui m’a permis de traverser le suspens du livre sans perturbation… et puis, je crois qu’il y a beaucoup d’amour dans ce livre, ça calme.
Consumés est le premier roman de David Cronenberg qui voulait devenir écrivain si le cinéma ne l’avait pas kidnappé comme il dit. Moi, je dis que s’il en écrit un second, je suis preneuse. Lorsqu’on lui demande s’il réaliserait son roman, il répond que « pour être fidèle à un livre, il faut le trahir. Je ne suis pas prêt à me trahir moi-même. » Il est envisagé de faire une série télé du livre, il ne veut pas participer au projet mais est curieux de voir ce qu’on va en faire.
Une interview de David Cronenberg est encore écoutable ici.
Consumés – David Cronenberg – Gallimard
28 mars 2016 at 16 h 57 min
Tu en parles très bien, même si j’ai toujours eu du mal avec son univers cinématographique, très marqué, original, mais peut être trop extrême pour moi.
J’aimeJ’aime
28 mars 2016 at 17 h 01 min
Pour moi aussi, trop extrême sur l’écran, mais l’écrivain n’est pas si extrême, même si le sujet apparent, le cannibalisme, semble l’être… je ne peux pas tout révéler.
J’aimeAimé par 1 personne
28 mars 2016 at 17 h 07 min
J’hésite mais tout dépend aussi de son style. Il en a un derrière la caméra, c’est indéniable, il semble en avoir aussi la plume à la main selon l’extrait…
J’aimeJ’aime
28 mars 2016 at 17 h 15 min
Je suis incapable de regarder ses films comme La mouche. Par contre, j’avais aimé eXistenz et Crash (dont il n’a pas aimé le livre) a une atmosphère qui m’intrigue.
J’aimeJ’aime
28 mars 2016 at 17 h 29 min
Moi c’est crash avec lequel j’ai eu beaucoup de mal…
J’aimeJ’aime
28 mars 2016 at 17 h 38 min
Il supporte mal d’être vu plusieurs fois, je reconnais. Mais il laisse des trucs en moi… et puis j’aime bien James Spader… en disant ça, je pense que c’est une très mauvaise raison parce que pour le coup il est plutôt insipide.
J’aimeAimé par 1 personne
28 mars 2016 at 17 h 31 min
J’aime bien ton commentaire mais comme Francis je ne suis pas attirée par l’univers de Cronenberg. Je crois que je vais faire l’impasse.
J’aimeJ’aime
28 mars 2016 at 17 h 42 min
Pauvre Cronenberg qui se traîne un univers cinématographique qui n’a peut-être que de vagues similitudes avec celui de l’écrivain. Bien Lucie, c’est une question de goût.
J’aimeJ’aime
28 mars 2016 at 17 h 37 min
Voilà qui va certainement alimenter mon goût de l’étrange! Merci.
J’apprécie généralement sa filmographie (par contre je n’ai pas du tout aimé Cosmopolis).
J’aimeJ’aime
28 mars 2016 at 17 h 45 min
Pas vu Cosmopolis. Juste un bout de la mouche (j’ai fui), eXistenZ, j’ai adoré, et Crash, nous sommes en opposition en moi.
J’aimeAimé par 1 personne
28 mars 2016 at 18 h 07 min
réjouissante, ta présentation, Evy…..ça fait en ‘vy!!! ;-)
J’aimeJ’aime
28 mars 2016 at 23 h 00 min
Merci malyloup !
J’aimeJ’aime
28 mars 2016 at 18 h 13 min
En voilà une belle critique de livre ;-) Moi j’aime beaucoup les film de David ! Surtout celui avec les frères jumeaux. Et il ne faut pas écouter Stephen !
J’aimeJ’aime
28 mars 2016 at 18 h 17 min
Goran, David et Stephen… yes !
J’aimeAimé par 1 personne
28 mars 2016 at 18 h 19 min
;-)
J’aimeAimé par 1 personne
29 mars 2016 at 4 h 43 min
Vous êtes éloquence et vous êtes passion, madame… Voilà les mots, les premiers qui me viennent. Cronenberg ou autre, quand vous en parlez, on sent la vie, le feu qui vous habite, et le pourquoi du pourquoi j’aime toujours vous lire. C’est ça. Un point c’est tout.
J’aimeJ’aime
29 mars 2016 at 5 h 56 min
Parfois, j’aimerais être tempérance.
J’aimeJ’aime
29 mars 2016 at 13 h 05 min
Merci pour ce lien, je viendrai écouter plus tard. Aucun problème pour ma part avec cet homme pour le moins atypique et sa production. Stephen King, forcément, m’aurait donné envie de me jeter sur ce livre. Ça m’a fait plaisir, ton papier.
J’aimeJ’aime
29 mars 2016 at 17 h 15 min
Tant mieux, Anne, j’aime faire plaisir.
J’aimeJ’aime