« Probablement, parce que j’ai fait du corps l’objet et le sujet de toutes mes explorations, ce qu’elles ont dit de l’âme et du corps m’a fasciné. » Ernest Pignon-Ernest, à propos des femmes mystiques.
Corps touché par l’esprit, l’oeil ou le plaisir, ce qui me fait l’aimer, le trait, le doigt, le regard qui en suit les contours, le rendu, le bouger, les vibrations, la chaleur, la vie. Corps complice d’une âme trop puissante.
La composition de cet article a été remise par deux fois. Il y a quelques mois, j’avais envie de parler des femmes mystiques et des dessins d’Ernest Pignon-Ernest que j’avais découvert il y a quelques années. Et puis, l’artiste a créé une autre oeuvre, sur Pasolini. Alors je me suis dit que j’allais parler des deux, mais je ne voyais pas au début de réelle relation si ce n’était le trait de l’artiste. Je pensais même que les sujets allaient s’entrechoquer. Alors j’ai lu, j’ai écouté une émission de radio sur Pasolini, je me suis rappelé l’exposition que j’avais vue à la cinémathèque de Paris. Un lien évident se tissait entre elles et lui, le corps supplicié. Malgré tout, j’ai laissé l’article dans un coin de brouillon, jusqu’à il y a quelques heures, l’intérêt de ‘quatre’ d’entre vous me l’a fait rouvrir, retravailler un peu et enfin partager.
« ce serait miracle ou damnation si tu avais un corps » « une pure volupté » Des corps déchirés par des feux chavirants. Perdre la forme de son corps à la folie. Elles sont si belles les extasiées d’Ernest Pignon-Ernest et font si peur à voir dans les mots qui les décrivent. D’où leur vient cette beauté si ce n’est de l’amour de l’artiste, si bien accompagné des mots du poète André Velter :
« Nous vous saluons, ô combien tendrement,
Pour la part de ciel qui vous est passée sous la peau,
Pour la terre qui vous fut de peu de réalité
Alors que vous étiez en charge d’un réel infiniment mêlé d’apocalypse et de miel, »
Alors voilà, ce sont deux oeuvres d’Ernest Pignon-Ernest, street artiste qui colle la plupart du temps ses oeuvres dessinées sur les murs de nos villes. En octobre 2010, je visitais son exposition, Extases, au musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis, où étaient présentées les dessins, les ébauches sur grands formats ainsi que dans l’ancienne chapelle des Carmélites où l’oeuvre finie, totale, se dressait, papier marouflé sur des plaques d’aluminium posées sur un sol sombre comme un miroir où les mystiques reflétées touchaient la profondeur avant de s’élancer vers le ciel. Et cette vue m’avait prise à la gorge, tant la beauté miroitante m’imprégnaient d’émotions alliant magnificence et défiguration. L’exposition mettaient en scène l’extase de huit femmes mystiques ainsi dévoilées dans les positions extatiques, à moitié dénudée, offerte à l’incommensurable volonté de leurs âmes en ascension. L’année dernière est paru le livre de cette exposition, Pour l’amour de l’amour, qui fut créée en Avignon. Partant d’une interrogation sur l’extase, d’une fascination, d’un questionnement sur la représentation des corps qui tendent vers la désincarnation, Pignon-Ernest s’est attaché à représenter les soupirs, les cris de ces expériences ineffables. Sensuels et charnels, ces portraits ont été réalisés à partir d’écrits de mystiques. La danseuse Bernice Coppieters en inspira l’expression.
« Je paye un prix pour la vie que je mène. Je suis comme quelqu’un qui va descendre aux enfers. Mais quand je reviendrai, si je reviens, j’aurai vu d’autres choses, tant d’autres choses, plus loin que l’horizon. » Pier Paolo Pasolini, entretien donné à Furio Colombo en novembre 1975, quelques heures avant son assassinat.
Le travail récent de l’artiste sur Pier Paolo Pasolini, je l’ai vu sur les murs de la galerie Openspace non loin du canal Saint-Martin que je venais de photographier vidé de ses eaux et dont l’article traine encore entre les murs virtuels de ce blog. L’exposition était intitulée ‘Si je reviens’. Il s’agit d’un dessin représentant Pasolini portant le corps de Pasolini mort. Corps méchamment supplicié. Ces images furent collées dans les lieux que le poète-scénariste-réalisateur fréquenta en Italie.
Le corps absolument, une matière que le talent de l’artiste exalte.
Je vous rappelle qu’une page rassemble tous les liens sur les 48 articles d’expositions que vous trouverez sur ce blog.
11 avril 2016 at 16 h 09 min
Les effets de clair-obscur ont l’air superbes.
Ces dessins semblent être d’une facture assez classique, finalement.
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 17 h 23 min
Superbes en effet.
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 16 h 59 min
Superbe mise en valeur des formes du corps humain avec ce noir et blanc et ces feuilles roulées… J’aime beaucoup.
J’aimeAimé par 1 personne
11 avril 2016 at 17 h 29 min
Le roulée et la grande taille de chaque feuille, c’est assez impressionnant.
J’aimeAimé par 1 personne
11 avril 2016 at 17 h 33 min
J’imagine… Tu fais beaucoup, c’est sympa ça…
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 18 h 38 min
Je voulais dire « tu fais beaucoup d’expo ». Sorry.
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 19 h 27 min
Celle des extases date d’il y a six ans. La galerie c’était en passant. Mais c’est vrai je vais beaucoup aux expos, c’est ma passion. En fait, j’y vais moins que tu lis de livres. Je lis moins de livres que je vais aux expos… enfin, avant, je lisais beaucoup plus, et j’allais beaucoup moins aux expos. On peut pas tout faire, ‘ce pas ?
En ce moment, c’est le renouvellement des expos dans les musées, alors j’essaie d’aller voir (sur Paris) ce que je ne veux pas rater, mais ça va se tasser.
J’aimeAimé par 1 personne
11 avril 2016 at 19 h 31 min
J’y allais plus souvent avant… Avec une amie, mais elle est moins dispo et y aller seul je n’aime pas ça.
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 19 h 39 min
Je vais beaucoup seule. Parfois avec mon mari, parfois avec des amis, ou bien seule et ensuite avec (j’ai quelques abonnements, ça me permet d’y retourner). Mais le plus souvent seule, une question d’habitude et de soif de l’art sans doute aussi. J’aime aussi aller seule au cinéma, je développe une certaine intimité avec les films avec les expos que je n’ai pas lorsque je ne suis pas seule.
J’aimeAimé par 1 personne
11 avril 2016 at 19 h 45 min
Je me laissais guider par elle, donc…
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 20 h 09 min
Je comprends ça, Goran. Comme moi pour d’autres choses.
J’aimeAimé par 1 personne
11 avril 2016 at 17 h 07 min
Vraiment très beau et fort. Cette image de Pasolini en double est troublante, particulièrement dans apposée dans ces lieux désolés, comme s’il revenait de l’enfer.
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 17 h 41 min
Un peu christique comme image. D’ailleurs, j’avais écouté une émission sur Pasolini, René de Ceccatty y disait carrément qu’il le voyait comme « un christ engagé dans la vie terrestre » Un autre le décrivait comme « un homme d’une très forte lucidité, et pourtant enthousiaste et émerveillé et ayant confiance en l’autre. »
J’aimeAimé par 1 personne
11 avril 2016 at 17 h 44 min
Je l’ai lu et vu un de ces films il y a très longtemps. A l’époque, mais je sortais de l’adolescence, je l’avais trouvé assez austère.
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 17 h 52 min
Austère ? c’est bizarre, il me semble pas… enfin, je ne sais pas, je n’apprécie pas beaucoup ses films, j’ai essayé plusieurs fois, mon mari étant assez fan. Par contre, j’aime bien le bonhomme que j’ai découvert à la cinémathèque, sa mentalité me plait, son combat et par contre j’avais bien aimé son film Carnet de notes pour une orestie africaine, vu dans un mini cinéma (tu penses, on devait être trois dans la salle)
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 17 h 54 min
Austère dans ses œuvres. C’est le souvenir que j’en ai…
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 18 h 06 min
Pour moi ses films, à part le Carnet de Notes, m’ennuient. Et je n’apprécie pas sa poésie. Mais bon, je ne suis pas une référence en matière de poésie. Stanislas Nordet dit de lui qu’il est un maillon très important du théâtre qui s’écrira demain et qu’il a su régénéré la tragédie grecque. Je ne suis pas non plus une référence en matière de théâtre. Toi, un peu plus.
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 18 h 47 min
ces dessins, ces corps
et puis tes mots…
j’ai un peu l’âme à la renverse…
merci pour la culbute, c’en est une belle… l’âme à la renverse de tant de ça, tant de beau…
ces lignes, qu’on vit comme pierres et graphite, et qui portent le corps quelque part de sublime…
ces visages, ces corps de femmes, et puis celui de pasolini…
tout ça me donne le sentiment d’une âme dévouée..
oui, le corps absolument
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 19 h 31 min
Une âme dévouée… je le crois, oui. En tout cas, pour ce que j’en sais.
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 18 h 48 min
Soupirs d’aise (les miens). Merci ‘vy, mille fois et non pas quatre. Texte, photos et travail d’Ernest Pignon-Ernest me ravissent. Comme j’aurais bien imaginé ces extasiées à demeure, sur les murs de quelque lieu spirituel. Tant de beauté pour s’élever.
Je connais fort peu l’œuvre de Pasolini mais j’admire la force son engagement personnel.
J’aimeJ’aime
11 avril 2016 at 19 h 33 min
Merci de m’avoir permis de publier ce brouillon, Henriette… je ne suis pas très satisfaite de l’article, je ne suis pas arrivé au bout, tellement de choses à dire, je m’emmêlais. Mais les images se suffisent à elles-mêmes.
J’aimeJ’aime
12 avril 2016 at 9 h 44 min
Peut-être que les photos se suffisent à elles-mêmes… mais la présence d’un texte fait se tamponner les mots et les images, pour mon plus grand plaisir.
J’aimeAimé par 1 personne
12 avril 2016 at 9 h 55 min
C’est sympa cette présentation en feuilles mouvantes ça accentue la malsaine dynamique des corps suppliciés… Superbe artiste !
J’aimeAimé par 1 personne
12 avril 2016 at 19 h 51 min
Que j’aime cet artiste, je l’ai découvert il y a plusieurs années dans le cadre d’un exposé pendant mes études et je crois bien que depuis il est pour moi un génie du street art.
A travers ton article tu lui rend un bel hommage et met son travail en avant c’est vraiment top =)
A très vite
J’aimeAimé par 1 personne
14 avril 2016 at 0 h 39 min
encore une expo pleine d’émotion(s)……et c’en est même presque trop pour moi
heureusement que tes mots me permettent de la vivre sans que j’en sois trop chamboulée………
J’aimeAimé par 1 personne
17 avril 2016 at 19 h 01 min
idem je reste sans voix.
J’aimeAimé par 1 personne
18 avril 2016 at 14 h 32 min
J’ai donné un cours sur cet artiste grandiose qu’est Ernest Pignon-Ernest dont on ne peut oublier ni le nom ni l’œuvre. J’avais des étudiants de 17 ans et je leur ai parlé du street-art, une de mes passions de toujours ! J’ai un catalogue de ses œuvres et dès que j’ai ouvert votre page, j’ai reconnu son trait évidemment. Je n’ai malheureusement jamais vu son travail de visu et je le regrette. Merci pour cet bel article, comme toujours.
J’aimeAimé par 1 personne
19 avril 2016 at 8 h 36 min
Merci de votre témoignage. Je n’ai vu ses oeuvres qu’au musée, en galerie ou dans des livres. J’aimerais beaucoup en croiser une un jour dans la rue, là où le street art est le plus à sa place me semble-t-il. Pour les Extases c’est un peu différent, elles sont si belles, si puissantes présentées comme j’ai eu la chance de les voir.
J’aimeJ’aime