Je ne suis pas certaine que cet article intéressera nombre d’entre vous. C’est un compte-rendu très personnel de quelque chose dont je voudrais graver les grandes lignes dans ma mémoire, enfin la mémoire du bocal.
« Visite subjective avec Elsa Sahal ». Dans l’exposition CERAMIX, ses oeuvres sont parmi celles que j’ai préférées, alors je me suis précipitée sur cette proposition de la Maison Rouge, ce jeudi soir 19 mai. Elsa Sahal nous a dit que l’histoire de l’art n’était pas sa spécialité et qu’elle allait essayer de nous expliquer, ce qu’elle fit fort bien. Je suis entrée sans connaître grand chose à la céramique, je suis ressortie avec l’impression d’avoir la tête bien remplie. Du moins maintenant, je ne suis plus en terrain inconnu.
Elle nous a longuement parlé des masques de Jean Carriès, céramiste du XIXème siècle qui se trouvent dans la première salle. Jean Carriès, dont on peut voir de nombreux vases au Petit Palais, jouait beaucoup avec « l‘accident » comme les céramistes japonais. Ce fut le moment où elle nous parla de l’émail (qu’elle fait elle-même), des fours atmosphériques qui permettent davantage de jouer sur l’aléatoire et donne un côté plus vivant que les fours électriques qui ont un rapport d’efficacité supérieur à la cuisson. Ainsi, elle nous parla des grès, des terres cuites, des faïences, des cuissons qui sont au nombre de deux à quatre, des jeux d’émaux qui dépendent de la température.
Ce qui est souvent ressorti, c’est l’utilisation du mot « sensuel » et du mot « geste – gestuel » toujours accompagné d’une gestuelle démonstrative, la terre étant « un matériau humide, très sensuel lorsqu’on le manipule. »
Nous nous sommes arrêtés devant les sculptures de Picasso, tournées sur un tour de potier, ce qui permet de jouer sur la sensualité du corps féminin. Vous pouvez voir ci-contre une statuette non émaillée.
Nous sommes ensuite arrivés dans la salle contenant des œuvres d’artistes américains. En premier lieu Peter Voulkos (deux oeuvres ci-dessous) qu’elle semble admirer beaucoup. Ce fut l’occasion de nous parler des méthodes d’enseignement, les Etats-Unis mettant davantage l’accent sur le partage du savoir-faire alors que la France est d’abord très théorique, or Elsa Sahal a parlé de l’importance d’un apprentissage qui se transmet de personne à personne. Elle a elle-même été plusieurs fois là-bas pour acquérir un savoir-faire. Un bon échange semble avoir lieu entre la côte ouest des USA et le Japon, ainsi Peter Voulkos avait une gestuelle inspirée par le bouddhisme zen. Il provoquait l’accident, « le geste viril s’assume avec force dans l’objet ».
Nous sommes allés ensuite dans la salle dédiée à Thomas Schütte, à entendre son enthousiasme c’est visiblement son préféré. Les statuettes qui sont exposées à la Maison Rouge (que vous ne verrez pas, photos interdites), sont des projets, les corps de femmes sont écrasés, c’est violent dans le geste. Ces statuettes sont présentées sur des étagères, je ne m’étais pas vraiment arrêtée la première fois. Cette fois, j’en ai vu davantage. Ces projets très colorés ont servi ensuite à créer des bronzes monumentaux monochromes.
Pour terminer, Elsa Sahal nous a parlé de ses œuvres. Elle parle encore de geste, « la fontaine est un geste féministe manifeste ». Cette fontaine, La grande pisseuse, inspirée de La pisseuse de Picasso et du Manneken Pis, « signifie aux filles qu’elles peuvent pisser debout comme les hommes ». L’artiste est très inspirée par Bernard Palissy, dont les céramiques représentaient le monde de la mer. Elle qualifie aussi sa fontaine « d’humour duchampien ». Elsa Sahal ne sait pas travailler au tour, elle construit ses formes comme un patron de couture. Parfois l’oeuvre est tournée par un ami.
Ce qui m’intéresse dans son œuvre, c’est qu’elle travaille sur l’imaginaire du corps, évoquant les sensations du corps qui rencontrent celles de la terre, elle nous explique qu’il y a une analogie évidente entre la terre et le corps humain. Le mot sensualité refait son apparition, ainsi que les formes généreuses. Ses sculptures sont des morceaux de corps, ce qui donne un corps ressenti plutôt que représenté. Elle joue beaucoup sur l’émaillage qu’elle travaille comme le faisait Jean Carriès, à très haute température, ce qui cristallise l’émail et donne des espèces d’apparition et fait que deux oeuvres ne peuvent jamais être les mêmes.
Je n’ai pas résisté à acheter son livre totalement séduite que je fus par les céramiques magnifiques que j’y ai vues, et qu’elle m’a bien sûr gentiment dédicacé.
Je vous rappelle que vous pouvez relire deux articles de la visite de CERAMIX à la maison rouge: sur le blog de la Revue des moments perdus : Regard sur des visages et sur ce blog : Céramix, l’autre regard
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J’en profite pour vous rappeler que des pages sont disponibles en tête du blog où vous pouvez voir d’autres photos d’expositions comme celle de la Monumenta de Huang Yong Ping (dans « expos vite vite »), et bien d’autres choses encore.
21 Mai 2016 at 8 h 44 min
Merci ‘vy pour ce beau retour, à la fois gestuel et sensuel, de ce qui fut une belle journée pour toi…
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21 Mai 2016 at 9 h 13 min
Qui s’est terminée par un petit restaurant avec mon mari. Des images et des mots plein la tête, un repas simple mais bon, un verre de vin gouleyant (ne pas l’oublier celui-là, le tableau serait incomplet sans), sûr que ce jour fut beau. Merci Goran.
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21 Mai 2016 at 9 h 16 min
Le resto avec le mari et le vin, c’est presque le plus important… :-) Beau week-end à vous deux.
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21 Mai 2016 at 9 h 22 min
Très bon week-end à toi également.
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21 Mai 2016 at 10 h 17 min
Ce devait être réellement passionnant, ton article nous en donne le sentiment, d’autant plus avec cette artiste…. Je pense que ma fille aurait voulu être là aussi !
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21 Mai 2016 at 10 h 31 min
Il y avait des personnes qui s’y connaissaient bien en céramique, du coup, ils ajoutaient un plus d’explications, ce qui était d’autant plus intéressant. Je pense que ta fille aurait bien échangé avec elle, elle a connu pas mal de céramistes qui lui ont fait profité de leur savoir-faire. L’ouverture, le partage est très important.
En tout cas, ces visites avec artistes à la maison rouge sont vraiment bien, c’est une habitude que je vais prendre je crois. En plus, c’est très convivial, la discussion a continué autour d’un verre après la visite. La directrice du musée me parait une personne très sympathique. (pis avec la carte à l’année, cette visite était gratuite, c’est appréciable)
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21 Mai 2016 at 10 h 19 min
Merci ‘vy. La photo qui ouvre l’article est magnifique, elle restitue si bien le mouvement!
« Ces morceaux de corps » oui, « ce corps ressenti », ça me donne envie de voir ses œuvres juste avec les mains, de les toucher, les entourer, les tourner, les réchauffer (je les imagine tièdes).
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21 Mai 2016 at 10 h 32 min
Oh oui, je suis tout à fait d’accord !
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21 Mai 2016 at 13 h 15 min
Grâce à toi (et à Francis Palluau) je suis allé voir cette expo. je l’ai beaucoup appréciée mais c’est sûr que la présence d’une artiste exposée (si elle peut parler de son travail) change le regard. Je retiens le bon plan pour une prochaine fois.
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21 Mai 2016 at 14 h 12 min
Donc des articles utiles, ça fait plaisir, d’autant plus si tu as apprécié. Par contre, j’aurais aimé aller à Sèvres voir l’autre partie de CERAMIX, mais c’est loin de ma banlieue. Y es-tu allé ?
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21 Mai 2016 at 16 h 03 min
Non hélas, pour la même raison que toi : trop loin…
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21 Mai 2016 at 16 h 45 min
Ce que je sais de la céramique, c’est que beaucoup d’art-thérapeutes utilisent cette technique, parce qu’elle se rapproche de la pâte à modeler et qu’elle permet aux patients de retrouver des gestes agréables de leur enfance …
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21 Mai 2016 at 18 h 42 min
C’est souvent passionnant d’écouter un artiste parler de sa manière de faire, de ce qu’il met dans son travail, de sa passion en somme quand tout son être s’implique, corps et âme. Et son regard sur les oeuvres des autres doit être aussi très instructif, une façon de participer à ce monde de la création qui nous touche. merci ‘Vy pour ce partage.
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22 Mai 2016 at 8 h 31 min
C’est vrai.
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21 Mai 2016 at 18 h 43 min
D’abord, quelle belle photo de l’artiste, d’entrée de jeu, avec ses belles mains de manieuse de terre.
Et puis tout de suite, avant d’oublier… vous dites ça chez vous, le « pis » au lieu de puis/et ? (je fais allusion ici à la fin de ta réponse à Francis…je croyais qu’on ne faisait ça qu’ici…
Enfin, et surtout, quel bel article, ‘vy. Utile, oui, et inspirant aussi. Si je vivais à Paris, c’est sûr et certain que j’irais à la Maison Rouge pour l’une ou l’autre de ces rencontres… avec toi, idéalement…
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22 Mai 2016 at 8 h 36 min
« pis », tu me poses une colle, c’est peut-être une façon un peu enfantine de dire « puis », moi j’aime bien l’utiliser (de façon assez naturelle) mais juste par écrit, je n’ai pas l’impression qu’oralement je le dise.
Idéalement, c’est certain.
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25 Mai 2016 at 11 h 52 min
et pis j’aime aussi te lire, caroline ….et pis ça se dit depuis la nuit des temps dans les campagnes françaises mais pas à la ville où ça fait trop ‘bouseux’ comme langage……c’est donc pour ça que j’aime les québécois qui parlent comme chez moi …..d’ailleurs un jour, un parisien m’a demandé si j’avais des origines québécoises à cause de mon accent….c’est te dire! ;-)
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25 Mai 2016 at 12 h 06 min
Oh ben je l’aime bien mon « et pis » même si ça fait de moi la ‘vy bouseuse de la ville… c’est surtout que ça fait partie de moi sans que je sache pourquoi.
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25 Mai 2016 at 12 h 14 min
oh tant mieux!
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22 Mai 2016 at 21 h 37 min
Comme tu en parles ça me donnerait presque envie de travailler la terre, pour ressentir cette sensualité et cette gestuelle !
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22 Mai 2016 at 22 h 04 min
Je crois que ce doit être très agréable.
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25 Mai 2016 at 11 h 48 min
*la magie*……voilà ce qui me vient quand j’écoute les céramistes…..et d’ailleurs ce mot me vient pour nombre d’artistes…..et pis (oui j’emploie aussi cette diminution du mot ‘puis’, même à l’oral….on reconnait d’ailleurs les ‘campagnards’ à ces mots-là……) j’aime te lire! :-)
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25 Mai 2016 at 12 h 07 min
Merci malyloup, c’est réciproque.
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27 Mai 2016 at 20 h 55 min
Moi au contraire je le trouve très intéressant ! Merci pour ce partage (j’aime les contenus atypiques et « natures »)
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27 Mai 2016 at 20 h 58 min
Alors tant mieux ! et merci.
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