vyenfant09J’ai retrouvé un vieux film que mon père avait fait de moi à neuf ans (merci à ma fille de l’avoir mis sur cd). C’était les vacances, une location à Thésée dans le Loir et Cher avec mes parents, mon cousin plus âgé que moi, ses parents, mon grand-père. Je me croyais invulnérable comme tous les enfants et j’avais beaucoup de mal à comprendre les effets des lois gravitationnelles. Je faisais facilement le pitre quand l’occasion m’était donnée et ce jour-là j’avais choisi le rebord de la fenêtre où je donnais un numéro de voltige, voir simultanément mon cousin rire et ma mère s’affoler ne manquait pas d’exciter le petit diable que je portais en moi. Je me souviens encore du visage et des cris de ma mère qui m’intimait de descendre… je me souviens des encouragements et des applaudissements de mon cousin… je suis descendue, certes, mais pas du bon côté, ma pauvre mère a longtemps parlé de la vision traumatisante de mes pieds qui basculaient dans le vide… ce qui me valut une fessée très méritée lorsqu’elle constata que j’étais toujours vivante, et une clavicule cassée, un évanouissement de ma tante, une dispute entre mes parents qui se renvoyaient ma désobéissance à la tête, et quelques gentillesses de la part de mon cousin qui avait reçu sa dose de reproches. Autant vous dire que je ne suis jamais remontée sur le bord d’une fenêtre… juste un peu sur les toits. Je vous rassure, je me suis beaucoup assagie depuis, un jour la peur est entrée dans ma vie et me l’a sûrement sauvée. Sur ces images de gif, je suis « dans » la cabane que je m’étais construite à l’aide de trois bâtons qui tenaient par compassion pour la gamine adorable que forcément j’étais et de quelques fougères pour faire le toit. Ma cabane, mon refuge… je me souviens combien j’étais satisfaite de ce toit éphémère. J’ai le sourire en écrivant ces mots parce que le lendemain j’affolais encore ma mère lorsqu’elle vit son éclopée de fille flottant dans un canot pneumatique au gonflement très incertain au milieu de la rivière qui nous emportait moi et mon cousin qui non seulement ne savait pas nager mais entrait en panique lorsqu’il était plongé dans l’eau.

Aujourd’hui, voilà que je me retrouve avec un autre toit « à moi ». « Ma » maison… il faudra que je m’habitue à ce pronom possessif qui risque de mmaison5553e posséder plus que je ne sais posséder les choses. Et j’ai la sensation qu’une page se tourne. Et que je me retrouve devant un cahier vierge. Une forêt intime à déflorer. Quelque chose qui m’a toujours échappée par décalage. Ma maison des feuilles… le coeur de mon labyrinthe… l’antre du Minotaure… tous mes essentiels, me restera à caser les miroirs, je ne me fais pas de soucis, ils se trouvent toujours une place pour me faire tanguer d’un côté ou de l’autre. Fichtre, je me passerais bien d’Ariane mais l’arachnide fileuse risque d’être difficile à déloger. En ce moment, je la trouve magnifique ma maison, un peu inhabitable, mais elle est sans contrainte, encore modelable, pleine de promesses, tout en lumière… elle est un peu ma fiancée secrète, mon nouvel amour… enfin, faut voir comment ira notre relation. J’ai l’impression de tenir une page en équilibre, je sais bien qu’elle va finir par tomber sur la gauche et que je vais voir ce qui se cache derrière. Le grand blanc à noircir, l’alpha et l’oméga, ma possibilité. Mon nouveau départ – il était déjà le sujet de ma nouvelle, L’îlot, toujours à lire en haut du blog, je devais emménager dans un studio au coeur d’une ville de bord de mer, à côté de ce drôle de voisin que j’avais croisé une fois et dont on m’avait dit qu’il était bizarre, j’avais aussitôt lu notre avenir possible dans les lignes de quelques cahiers volubiles. Tout est dans le possible. Je me traine un bagage d’amour d’une puissance inaltérable. Alors je sais que tout m’est possible. Peut-être ma maison est-elle un vaisseau… elle l’est. Aujourd’hui, je ne me sens pas différente d’hier si ce n’est que j’ai la sensation d’avoir égaré le mot rêve comme s’il m’était devenu inutile puisque dorénavant j’ai la sensation d’avoir atteint la réalité. Je vais la toucher, je vais l’explorer, je vais faire un pont entre l’enfant et l’adulte, une conversation infinie, ouvrir notre monde, le temps est une succession d’instants éternels passés et à venir et dans lesquels nous pouvons puiser infiniment. Je sens mes peurs s’envoler, et si, parce que je n’y vois plus d’intérêt, je ne monte plus sur les rebords de fenêtres, je ne monte plus aux arbres… il y a une force nouvelle qui s’éveille en moi. Je n’ai jamais autant eu l’impression de tenir mon avenir entre mes mains, et s’il me reste un rêve dans ma boîte pandoresque c’est que cette autre que j’envisage sache utiliser le je et m’étonne, ne cesse de m’étonner…

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