Découvrir le travail d’Anselm Kiefer à la Monumenta de 2007 a été une révélation. Je me suis sentie immédiatement immergée dans l’oeuvre avec une sensation de désir intense de me laisser envahir par la matière. Depuis, j’essaie de voir les expositions qui proposent ses tableaux-sculptures, ses objets… Inutile de vous dire avec quel enthousiasme j’ai accueilli l’annonce d’une exposition au Centre Pompidou en décembre prochain. En attendant, la BNF nous permet de découvrir les livres qu’il crée depuis une quarantaine d’années.
Alors j’ai glissé mon appareil photo dans mon sac à dos et la musique dans mes oreilles et j’y suis partie, en écoutant Judy me chanter l’au- delà de l’arc-en-ciel et les oiseaux bleus. Ce qu’elle fit souvent durant le trajet puisque j’avais mis très peu de choix dans ma sélection musicale qui tournait en boucle aléatoire. (question incongrue qui me passait par la tête : Dorothy serait-elle une adepte de twitter, aujourd’hui ?).
Ce que je vois en pénétrant dans la salle d’exposition : une suite de vitrines horizontales dans lesquelles de grands livres sont exposés ouverts ou fermés, des étagères garnies de livres parfois immenses couchés ou debout. Je m’approche, comme j’aurais envie de les ouvrir, ou ne serait-ce que les toucher avec les mains mais seuls les yeux ont cette faveur. Ses livres, je les observe, j’en détaille la matière, la manière. Les livres de Kiefer sont en cartons, en plomb, en plâtre. Ils font référence à la mythologie, l’histoire, la philosophie. Anseilm Kiefer dit que le livre “est un répertoire de formes et une manière de matérialiser le temps qui passe. […] chaque livre recèle une onde qui se déploie, formant une vague que je donne à voir lorsque je tourne les pages ou que je les mets en scène. […] Certains sont de véritables sculptures, plus grands que la taille humaine.”
Certaines installations me sont familières, comme cette tour de livres entourée de verres brisés que j’avais vu à la Monumenta, et aussi ces femmes livres m’en rappelle une autre (Phryne) que j’avais vue au Tri Postal à Lille.
Aux deux murs extrêmes de la salle deux grands tableaux se font face.
Je fais plusieurs fois le tour de l’exposition, j’ai du mal à sortir, j’entends une femme déçue de ce qu’elle voit “Je pensais qu’il s’agissait de ses livres… enfin, pas ça, des vrais livres”… J’observe un homme qui ne bouge pas depuis un moment, totalement absorbé dans un des deux grands tableaux, j’essaie d’accompagner son regard, je cherche à le suivre mais c’est moi qui suis happée par la matière.
Je regrette un peu que les oeuvres aient été mises comme dans des cases un peu étroites me semble-t-il, enfermées sur trois côtés. Un bon point toutefois, on peut tourner autour de celles qui le permettent, j’aurais aimé me rapprocher des femmes-poètes, en faire le tour, mais une corde l’interdisait, certainement trop fragiles.
Avant de vous laisser voir quelques photos accompagnées d’indications, je copie une phrase du livre de l’artiste, L’alchimie du livre : « l’oeuvre de Kiefer est certes traversée par les motifs de la mélancolie et de la ruine, de la chute et de la catastrophe ultime, mais elle est aussi, et tout autant, gorgée de désir et de jouissance, « joyeuse » au sens profond où Spinoza a pu entendre ce mot ».
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Bibliothèque de livres d’artiste d’Anselm Kiefer – l’installation n’est autre que la bibliothèque personnelle d’Anselm Kiefer dans laquelle sont conservés les livres d’artiste réalisés depuis une quarantaine d’années. Livres en carton, en plâtre ou en plomb.
Ton âge et mon âge et l’âge du monde (2008) – Nigredo (1998) – plomb, métal, débris de peinture, sel, plâtre, bois et résine – une référence à l’alchimie par son titre (Nigredo ou « l’oeuvre au noir » est la première étape des opérations alchimiques) et par les matériaux utilisés ou figurés (plomb, sel, souffre et mercure), cette sculpture montre la proximité du processus artistique d’Anselm Kiefer et de l’alchimie.
La lettre perdue (2012) – métal, résine, acrylique, shellac et plâtre – ancienne presse typographique envahie par des tournesols. Cette sculpture rappelle l’invention de l’imprimerie et le Livre comme source de savoirs et symbole culturel.
Le Rhin – 1982-2013 – acylique, shellac, gravures sur bois tirées sur papier et montées sur carton.
Shevirat ha-Kelim – métal, livres en plomb et bris de verre.
Les femmes de l’Antiquité – Praxilla, Sappho et Erinna – résine, plâtre et livres en carton enduit de plâtre pour Sappho (2008), livre en plomb pur Praxilla (2004) et Erinna (2006)
Pour A. Rodin – Falaises de marbre (2014) – aquarelle et mine de plomb sur carton enduit de plâtre – En hommage à Rodin, Kiefer reprend dans ces aquarelles le thème de la femme pétrifiée ou de la pierre s’animant en femme. Peints sur du plâtre, velouté comme la peau de la femme, et doux comme le bloc de marbre imaginé, ces dessins érotiques jouent de l’illustion et du simulacre prores à attiser le désir.
Eos – 2013 – aquarelle et mine de plomb sur carton enduit de plâtre
Le livre (2007) – huile, émulsion, acrylique, shellac et livre en plomb sur toile –
Et pour terminer, une vue un peu personnelle de la BNF, où a lieu l’exposition (crée à partir de trois photos, prises en 2007).
4 novembre 2015 at 18 h 48 min
Je ne vais pas y aller… je vais y courir. C’est assez stupéfiant. Merci ‘vy !
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4 novembre 2015 at 19 h 19 min
Ah si tu aimes Kiefer, tu es mon copain, et je n’ai pas fini de t’en parler.
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7 novembre 2015 at 2 h 02 min
Déjà, quand t’écris « un désir intense de me laisser envahir par la matière », tu m’as. Moi aussi, je veux ça, voir une expo qui me fait ça… c’est qui le gars?
Ah, et voilà que tu m’entraînes dans Paris avec « elle » dans les oreilles? Aie, ça fait presque mal. Paris, Judy… et je suppose qu’il faisait soleil avec ça?
Bon, ses livres à lui… et voilà que je pense aux tiens d’il y a deux jours…
… et puis là tu me parles de références à la mythologie, l’histoire, la philosophie… matérialiser le temps qui passe… à qui la tête, à toi ou à moi?
Et puis après tout ça, je regarde les photos… et je comprends mieux encore… j’en ai même le souffle un peu coupé… il me semble saisissant ce travail d’artiste… merci ‘vy…. tu nous en reparles en décembre, n’est-ce pas.
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7 novembre 2015 at 5 h 34 min
Je pensais même faire un article avant l’exposition de décembre pour présenter son travail avec des photos de deux expos que j’ai vues de lui. Ce gars c’est peut-être mon artiste préféré tant il me rentre dedans que je suis devant ses oeuvres.
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