Une légende raconte qu’un arbre et une femme se sont aimés d’amour fou. Chaque nuit la femme sortait de sa maison telle une somnambule quittant son tendre amour pour s’en aller retrouver son amant lignifié, un grand charme bien âgé néanmoins vigoureux. Un lierre ami et complice qui protégeait le vieil enraciné des froidures de l’hiver s’enroulait délicatement mais non moins fermement autour de l’ampleur charnelle de l’audacieuse femelle, lui élaguant le corps des tissus synthétiques et l’offrant ainsi desquamée à son ami le charme. Part à deux dans les yeux de la belle qui emplissait ses sens de leurs profonds soupirs. Mais bien vite le lierre prit du recul quand il sentit entre l’arbre et la femme naitre une attirance fébrile. Chaque nuit elle dansait tant et tant pour son charme qu’au petit matin, on avait bien du mal à les dissocier. Le lierre débrouillait la chevelure de l’une et rendait à l’autre, l’ami très mâle à point, l’écorce dont celui-ci avait tendance à consteller la sylphide ondoyante. Cette ronde d’amour dura près d’un siècle jusqu’au jour où le lierre lassé de leurs ébats ne les sépara point mais au contraire laissa aller sa nature à les lier à jamais consacrant ainsi les amants de la forêt dans un cocktail de sang et de sève pour une nuit d’amour éternelle résonnant des murmures des lianes, feuilles, herbacées de passage qui laissaient volontiers se répandre en l’âme de la forêt de vibrantes rumeurs.
Un jour, déjà adulte, j’ai croisé dans ma ville un arbre vêtu de l’obscurité lisse des fins de vie, très tortueux, tout mort un peu. Cet arbre m’a subitement ramenée à l’enfance, il ressemblait aux dessins que je passais mon temps à détailler jusqu’à en user les traits dans le livret-disque de mon histoire préférée, le petit chaperon rouge. Le dessinateur avait donné au loup famélique une ressemblance avec l’arbre mis à nu de l’hiver (pas comme mon loup ci-contre, qui a revêtu sa peau de gentlewolf). En grandissant, trainant mes frasques de velours de cages d’escalier en caniveaux où ne poussait rien d’autre que nous-mêmes, gamins des cités, un peu cheftaine de bande, jouant davantage du bitume que de la chlorophylle, sauf à mâcher, j’avais laissé derrière moi loup et chaperon rouge, jusqu’à ce fameux jour où l’arbre a capturé mon regard près d’une station service. Durant des années, il a trainé sa mort paisible ouvrant grand les portes sur mes douceurs enfantines. Chaque fois que je passais devant lui, nous nous faisions un signe invisible et nous remontions le temps d’une chaleur antérieure. Jusqu’à ce que l’homme voie en lui un objet à détruire. Mon loup, mon arbre, mon enfance furent tailladés à la tronçonneuse et jetés en pâture à l’oubli déjectable. Si aujourd’hui je me souviens, c’est que d’ici quelques heures, je vais, d’une sève exaltée, ancrer mon accord, et semer au plus fertile de mes labyrinthes oniriques. D’ici peu mes fantômes me rejoindront pour que je leur conte des histoires comme lorsque j’étais déjà grande enfant, que je nous faisais peur la nuit en orchestrant les grands frissons sur les rives de nos mondes dont les murs s’effaçaient devant l’innommable et que nous nous retrouvions à la merci de bien pire que les loups. Un love crash sidéral. Nous qui avons vécu cela… alors, oui, je m’en irai vivre la forêt, me délestant de toute empreinte de prédation, afin de ne pas effrayer loups, arbres ou écureuils. Petit lierre m’accompagne… Loin de moi l’idée de vivre un fol amour avec l’arbre de mes rêves, puisque le tendre m’accomplit et que je ne suis ni un être de légende ni une sorcière en mal de sabbat, mais une personne très réfléchie, réfléchie… réfléchie… alors nous chercherons celui dont le coeur s’accordera au notre, et quand nous le trouverons ou qu’il me désignera, nous veillerons en notre approche un peu friponne à lui demander humblement l’autorisation, avant de faire méli-mélo de nos essences respectives.
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Une magnifique photo illustre fort bien la légende de la femme et de l’arbre en amour, à voir sur La vibration des dissonances.
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Cet écrit est à mettre en parallèle avec deux autres de mes textes : Débauche de vie au paradis ou encore Ma dernière logeuse
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Et une petite info : histoire d’y voir un peu plus clair dans l’imbroglio du blog, j’ai mis en ligne une page où vous retrouverez tous les articles que j’ai commis ici sur les expositions que j’ai visitées. C’est sous le titre du blog : EXPOSITIONS au fil des mois.
24 février 2016 at 9 h 38 min
Nous avons du avoir le même disque album du chaperon rouge. Je me souviens de ces dessins qui m’avaient également marqué et que je retrouve dans le tiens. Joli conte arborescent ‘vy. Il y avait l’arbre à pain, il y a maintenant l’arbre à femme, le charme fatal.
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24 février 2016 at 9 h 42 min
Joli « le charme fatal ». Merci, Francis.
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24 février 2016 at 9 h 53 min
A reblogué ceci sur Niala – Loisobleuet a ajouté:
Toujours en quête de témoignages où l’écusson pas qu’en dessous du sein tout rond, je viens de vérifier au greffe. L’arbre y est toujours inscrit aux noms d’Aube et Pin’ et répertorié parmi les essences ciel.
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24 février 2016 at 10 h 04 min
Bien sûr, je ne dis pas n’importe quoi, je tenais cette légende d’un vieux lierre. Par contre le nom de cette union m’échappait, entre « le charme fatal » de Francis et votre « Aube et Pin' », voici une légende sauvée de l’oubli. Merci loisobleu (pour le reblogage aussi).
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25 février 2016 at 1 h 15 min
Très belle histoire d’amour
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25 février 2016 at 6 h 43 min
Merci Marie, et bienvenue sur ce blog.
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25 février 2016 at 8 h 10 min
Merci petitemarie69
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24 février 2016 at 11 h 04 min
Même si cela n’a rien a voir, cela me fait penser au film « La Nurse » de William Friedkin
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24 février 2016 at 11 h 09 min
Ça m’intéresse de savoir quel est le déclencheur qui te fais penser à « La nurse » ?
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24 février 2016 at 11 h 18 min
Les dessins avec l’arbre et la femme nue
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24 février 2016 at 11 h 28 min
Je n’ai que peu de souvenirs de ce film en dehors du synopsis… tu me donnes envie de le voir ou revoir… je pense l’avoir vu mais pas certaine, les films d’horreur et moi, ce n’est pas toujours compatible.
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24 février 2016 at 11 h 45 min
Avec William Friedkin aux commandes, il ne faut pas hésiter !
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24 février 2016 at 11 h 50 min
Oui enfin, d’accord pour la French Connection (que j’ai dû voir deux fois au moins), mais L’exorciste, non non non… ou alors par le petit trou de la serrure.
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24 février 2016 at 11 h 56 min
:-)
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24 février 2016 at 14 h 49 min
Tu m’auras fait pleurer et rire, petit chaperon rouge..devant la neige qui louvole dedans ma rue… tu m’auras fait pleurer..coeur et dessins..enfance et femme… tu m’auras fait pleurer devant la neige qui ribambole… et ton coeur neige qui s’abandonne… telle une chape de carmin…et une âme qui danse…
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24 février 2016 at 15 h 54 min
Va ma vivante, donne-moi encore des neiges qui ribambolent, je t’emmènerai danser demain dans nos forêts et nous rirons et nous pleurerons et nous nous goinfrerons de poésie.
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24 février 2016 at 14 h 58 min
merci ‘vy pour ce lumineux partage…
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24 février 2016 at 15 h 56 min
Merci Moonath
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24 février 2016 at 15 h 19 min
Je me sens en territoire connu avec cette histoire d’amour entre une femme et un arbre. Et du coup, je me suis souvenue d’une photo que j’avais faite qui peut en être une illustration. Je te la mets en réponse sur mon blog.
Merci ‘vy.
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24 février 2016 at 17 h 38 min
Merci Lucie. Très belle illustration, en effet. Elle m’inspire beaucoup ta photo. Elle fait de l’arbre un livre ouvert sur un imaginaire universel… inconscient collectif du docteur Jung ?
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25 février 2016 at 1 h 26 min
je n’en suis qu’à tes dessins que j’adore……à l’arbre de lucie qui me donne en’vy de photographier la poutre juste au dessus de mon lit………..et là, je dois le regagner ce lit……à bientôt, belle danseuse………
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25 février 2016 at 7 h 06 min
…de ton lit… un dernier regard vers la poutre avant de t’endormir… quelques rêves, le réveil d’une nouvelle journée que je te souhaite belle, et peut-être la photographieras-tu bientôt, cette poutre, pour nous montrer ?
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25 février 2016 at 11 h 22 min
de mon lit, ce matin, j’ai lu…..et waaahhh! j’en doutais guère mais waaaahhh, ça me *touche*, Evy! étonnant, extra ordinaire ce qui me *lie*, lit (hihihi….lire….lit….dodo….) à toi, à vous tous, bcp…….
ça me fait un bien!!!! ;-)
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25 février 2016 at 11 h 28 min
Tu me fais rire lyloup, j’ai l’impression en te lisant d’entendre un perso de Disney… tu as fait du doublage ou c’est de raconter les histoires à ton petit fils… ce doit être délectable de te voir.
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25 février 2016 at 11 h 36 min
c’est surtout les histoires racontées à mes filles! lol!
et moi je me suis délectée d’entendre mon petit fils m’appeler ‘ma y lou’ la semaine dermière….mmmmmm
on se verra Evy, ça ne fait aucun doute pour moi car j’ai rencontré toutes les personnes virtuelles qui m’ont émue sur la toile……..je vis la tête ds les étoiles, les nuages mais le concret d’un regard et d’un sourire est primordial pour moi :-)
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25 février 2016 at 11 h 43 min
Tout comme pour moi.
Hé, « ma y lou » c’est bien plus difficile que papa mama tata. Sûr que ça a dû t’émouvoir.
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25 février 2016 at 13 h 14 min
💐 petiremarie69 💐
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25 février 2016 at 18 h 16 min
C’est une bonne idée d’associer une légende à un souvenir d’enfance car chaque souvenir d’enfance est une pièce de mythologie intime. A propos du Petit chaperon rouge qui t’inspire tant, je me permets de te signaler un livre « Le Petit Chaperon rouge dans la tradition orale » par Yvonne Verdier, aux éditions Allia. C’est une autre lecture psychanalytique de ce conte qui fait du chaperon une héroïne en quête de féminité qui supplante ses rivales féminines (mère et grand-mère), profite de la sexualité bestiale du loup tout en épousant à la fin le protecteur chasseur. Mais peut-être que tu connais déjà ?
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25 février 2016 at 23 h 54 min
Je ne connais pas, Jérôme, mais ça m’intéresse, merci.
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26 février 2016 at 8 h 30 min
Merveilleuse complétude sylvestre.
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27 février 2016 at 18 h 24 min
Merci Henriette.
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26 février 2016 at 8 h 34 min
PS: naviguer sur le bocal est toujours plus plaisant, merci d’y veiller si bien!
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27 février 2016 at 18 h 25 min
Double merci en PS, alors. Un tel compliment me donne envie de continuer.
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27 février 2016 at 13 h 21 min
Moi, ça m’a fait penser au « petit jardin » chanté par Jacques Dutronc ! Nostalgique, poétique, vivant de la douceur des mots, ce très beau texte, fort, enchanteur !
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27 février 2016 at 18 h 26 min
Qu’est-ce que je l’ai aimée cette chanson.
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27 février 2016 at 18 h 39 min
Et quand je parle du texte, c’est du vôtre dont je parle !
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27 février 2016 at 19 h 10 min
Merci beaucoup, Anne.
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